Tunisie : Une entrée pas comme les autres

Tunisie : Une entrée pas comme les autres
Tunis-Hebdo
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La rentrée politique est à nos portes. Elle s’annonce plutôt mouvementée dans la mesure où il s’agit d’une année électorale décisive pour le futur du pays, avec des élections présidentielles et législatives prévues pour le mois d’octobre 2019. Elle comporte deux volets aussi importants l’un que l’autre : un volet socio-économique et un volet politique. Au-delà des déclarations d’usage (soutenir les classes vulnérables, améliorer le sort des régions marginalisées…), les partis se projettent surtout sur le volet politique qui concerne deux aspects : le sort du gouvernement et de son chef, Youssef Chahed et la préparation des scrutins. Le sort du Chef du gouvernement et de son équipe semblait définitivement scellé après la rencontre qui a eu lieu entre les deux « Cheikhs » qui semblaient s’être accordés sur le départ du locataire de La Kasbah, un accord qui confirmait le consensus entre Nida et Ennahdha. Mais, les Islamistes firent volte-face en revenant à leur position initiale, celle qui lie le sort de Youssef Chahed et de son équipe à une déclaration publique et à un engagement politique et moral, sans aucune conséquence juridique ou constitutionnelle, que personne d’entre eux ne présente sa candidature aux élections de 2019, surtout Youssef Chahed aux présidentielles, une échéance que les Islamistes préparent activement, sans l’annoncer encore publiquement, la candidature de leur leader, Rached Ghannouchi. Cependant, et en contrepartie, ils sont prêts à le soutenir dans les réformes qu’il envisage de concrétiser sachant qu’il s’agit de pas qui seront difficiles et compliqués à mettre en œuvre pour n’importe quelle équipe gouvernementale dans le futur, y compris après 2019 ! Cette attitude des Islamistes, qui intervient après leur refus de l’initiative de BCE sur l’égalité successorale, sonne, à notre avis, le glas du consensus, malgré les dénégations de Rached Ghannouchi, voire la rupture entre le Président de la république et donc NidaaTounès et Ennahdha. Cette donne préfigure le retour à une bipolarisation aussi brutale que celle ayant précédée les élections de 2014, et la bataille identitaire, avec son flot de slogans démagogiques, risque de se reproduire au détriment des programmes sociaux et économiques qui départagent les partis politiques dans les véritables démocraties. Quant au volet socio-économique, il se rapporte aux grands équilibres financiers et économiques du pays, et la situation quotidienne des citoyens, dont le pouvoir d’achat est rogné régulièrement d’une manière qui commence à devenir plus qu’inquiétante. En présence de chiffres contradictoires, un taux de croissance satisfaisant quoique insuffisant (2,8%), mais un déficit commercial effarant avec 12 milliards de dinars pour les seuls huit premiers mois de l’année, un glissement du dinar qui n’en finit pas, un taux d’inflation qui atteint une moyenne supérieure à 8%, outre le déséquilibre des caisses sociales, il est clair que le gouvernement semble impuissant à prendre les décisions qui s’imposent dans la mesure où cette situation perdure. L’équipe gouvernementale aura aussi du pain sur la planche avec les multiples conflits ouverts avec la Centrale Syndicale. Malgré la campagne de dénigrement dont elle fait l’objet, l’UGTT demeure stoïque face à la vague ultra-libérale qui risque d’emporter tout ce qui reste des services publics et des entreprises publiques. Les conflits qui touchent notamment l’enseignement ou le sort des entreprises publiques ou encore l’évolution des négociations dans le secteur public risquent de prendre une dimension qui pourrait avoir raison du gouvernement. C’est dans ce contexte particulièrement bouillant et plein d’incertitudes que Youssef Chahed doit faire son chemin. Il lui faudra faire preuve non seulement d’habileté, ce qui n’est pas le fort de ses collaborateurs, mais il doit obtenir des résultats concrets, sur le terrain de la vie quotidienne du citoyen, pour espérer sortir indemne d’une année qui ne s’annonce pas de tout repos…

Lotfi LARGUET Tunis-Hebdo du 10/09/2018




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