Constitution ou religion : il faut choisir !

Constitution ou religion : il faut choisir !
Tunis-Hebdo
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Attendu avec beaucoup d’enthousiasme mêlé d’appréhension par les uns, de crainte, voire d’hostilité par les autres, le discours du Chef de l’Etat du 13 août dernier a été, finalement, et comme nous l’avions partiellement prévu, assez décevant parce que réducteur ! Cependant, il a développé deux aspects importants, fondamentaux pourrait-on dire ! D’abord, la question de la suprématie de la Constitution qui lui a servi, ensuite, de fondement à sa position sur la question de l’héritage. Le Président de la République a insisté sur la nature civile de l’Etat tunisien, ce qui signifie grosso modo que l’Etat n’est pas religieux même si le peuple est dans son écrasante majorité musulman, bref que la Tunisie est un pays laïc, une république démocratique fondée sur les droits de l’homme, l’alternance au pouvoir et la souveraineté du peuple. Autrement dit, toute sa législation doit avoir pour seul fondement la souveraineté du peuple, et respecter la Constitution qui est la loi fondamentale de l’Etat, la loi suprême. Il a donc rappelé sa vision des bases de l’Etat tunisien qui sont aux antipodes de celle défendue par les Islamistes militant pour l’instauration d’un Etat théocratique. En fait, ce rappel était nécessaire avant de développer, ensuite, la question du partage de l’héritage entre l’homme et la femme. Le Chef de l’Etat voulait souligner, par là, que le fondement de la législation nationale, y compris pour la question de l’héritage, était bien la Constitution, laquelle avait consacré sans aucune restriction l’égalité entre les citoyens et les citoyennes en matière de droits et de devoirs. Et le Chef de l’Etat vient de consacrer cette égalité quoique de manière mesurée. En effet, désormais la fille et le garçon d’un citoyen ayant quelque chose à léguer seront sur un pied d’égalité, héritant des parts égales. Tel sera le principe, à condition bien sûr qu’il soit adopté au sein de l’Assemblée des Représentants du Peuple, prenne la forme de loi et intègre le Code du statut personnel. Ce principe ne serait pas intangible, mais susceptible d’exception. Car, la proposition de BCE permettrait au détenteur du bien, de son vivant, de faire prévaloir sa volonté d’adopter le partage inégalitaire entre ses héritiers, ce qui maintiendrait la discrimination actuelle. La focalisation sur ces deux questions, quoique très importante, pour contribuer à l’évolution de la société tunisienne, est demeurée en deçà des attentes dans la mesure où le rapport de la COLIBE proposait un intéressant code des libertés individuelles qui aurait mérité d’être mis en exergue et non pas d’être renvoyé à un nouveau et énième débat au risque de l’enterrer. Mais, il a eu le don, aussi, de faire sortir, quelque peu, les Nahdhaouis de leur «terrier». En effet, ils ont été obligés d’exprimer clairement leur opinion relative à la nature de l’Etat. Ils se prévalent de l’article 1er de la constitution, qu’ils interprètent comme ayant fondé un Etat religieux dont la législation serait soumise et inspirée par la Chariaa ; alors que la société tunisienne avait rejeté cela de manière implacable en 2013 lors du sit-in «Errahil» du Bardo ! Cette opposition des Islamistes devrait être encore plus virulente, lors de la présentation du projet de loi à l’ARP comme l’ont fait savoir leurs leaders, Rached Ghannouchi en tête. Celui-ci s’est encore une fois de plus abstenu d’assister à la fête de la Femme, suppléé en cela par Ali Laarayedh. Ceci laisse supposer un véritable affrontement à venir entre les différentes coalitions ou blocs parlementaires, lors des discussions. Mais, et indépendamment de la position hostile des Islamistes ou de leurs appendices, et complices, il est évident que le camp progressiste n’a pas brillé par son implication dans la défense des libertés individuelles et de l’égalité successorale. Or et pour avancer sur tous les plans, la Tunisie a besoin d’audace et de courage de tous…

Lotfi LARGUET

Tunis-Hebdo du 20 Août 2018  




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