Des stars, oui, mais à quel prix ?

Des stars, oui, mais à quel prix ?
Culture
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Cela fait environ un mois que la 39eme édition du Festival International du Film du Caire (CIFF) s’est achevée et je suis perplexe. Le CIFF a pratiquement sous-traité ses deux cérémonies d’ouverture et de clôture à deux sponsors. Était-ce un bon ou un mauvais choix ?

Un grand festival international de cinéma nécessite un énorme budget. Or il est devenu évident que les budgets alloués à des festivals tels que les JCC ou le CIFF, théoriquement organisés par les ministères de la culture de leurs pays, sont très insuffisants. Ces festivals sont donc obligés de recourir à des sponsors, essentiellement lorsqu’il s’agit d’organiser de belles cérémonies de clôture et d’ouverture et surtout d’inviter des stars internationales.

 

Nicolas Cage sur le tapis rouge du CIFF
Nicolas Cage sur le tapis rouge du CIFF

 

Bien que certains estiment que l’essentiel est la qualité des films,  je crois personnellement qu’un festival est un tout : des films, des séminaires, des débats, mais également du glamour, des paillettes et donc la présence de stars. C’est ce qui donne de l’éclat à un festival et lui confère une meilleure visibilité. Et par là permet également de promouvoir le cinéma local et la destination, ce qui est nécessaire pour nos pays.

Pour sa 39eme édition, le Festival International du Film du Caire (CIFF) a fait le choix d’inviter des stars internationales, telles Nicolas Cage, Adrien Brody, Hilary Swank et Elizabeth Hurley. Et justement, comme son budget est insuffisant, il a du avoir recours à des sponsors importants.

A cet effet, la CIFF a conclu un contrat de partenariat avec la chaine TV « dmc » et le joaillier « Bulgari ».

C’est une bonne chose d’avoir de tels partenaires qui offrent une aide matérielle et logistique, sauf que nous avons assisté à des dépassements graves. En effet, ces deux sponsors se sont accaparé les deux cérémonies d’ouverture et de clôture du festival. Ils les ont entièrement organisées et la direction du festival n’était même plus maître à bord !

Le festival a, par exemple, perdu le contrôle de la liste d’invités et certains professionnels qui auraient du être d’office invités ne l’avaient pas été, alors que certaines personnes qui n’avaient aucun lien avec le cinéma l’avaient été. Pire, le festival s’est vu donner un nombre insuffisant d’invitations, ce qui est inconcevable. Le comble ensuite est que des dizaines de sièges étaient restés inoccupés. Sans oublier que les logos des sponsors ont même précédé celui du festival sur les cartons d’invitation !

 

Les invitations aux cérémonies d'ouverture et de clôture du CIFF
Les invitations aux cérémonies d'ouverture et de clôture du CIFF

 

Ce qui était encore plus inconcevable est que certains invités d’honneur du festival, venus spécialement de l’étranger, n’étaient pas non plus invités aux soirées qui ont suivi les cérémonies officielles et organisées par Bulgari.

Par ailleurs, lors de la cérémonie d’ouverture, au grand étonnamment des présents, une vidéo faisant office de spot publicitaire pour les bijoux Bulgari a été projetée et avait été suivie d’un discours du représentant de Bulgari dans le monde arabe ! Même si sur cette vidéo, on voyait des extraits de films où les actrices portaient des bijoux Bulgari, quel lien réel avec le cinéma et la culture ?

D’autres dépassements et désagréments ont été déplorés, comme par exemple les mauvaises conditions dans lesquelles le film d’ouverture a été projeté, ce qui a d’ailleurs obligé le réalisateur à arrêter la séance.

 

Adrien Brody sur le tapis rouge du CIFF
Adrien Brody sur le tapis rouge du CIFF

Est-ce que le CIFF n’aurait pas pu s’occuper lui-même de ses cérémonies d’ouverture et clôture ? Il aurait certainement pu le faire. Je rappelle d’ailleurs que l’année dernière, c’était le cas, et les cérémonies étaient très belles et très bien organisées.

Mais le CIFF avait besoin d’un budget important que le Ministère de la Culture ne pouvait plus lui octroyer, et sans ces deux importants sponsors, le CIFF n’aurait jamais eu les moyens financiers d’inviter des stars internationales. Or le festival avait besoin de ces stars.

Le festival avait besoin de briller, de faire parler de lui. Il avait besoin de montrer qu’il reste un grand festival. Surtout que la concurrence devient rude, aussi bien à l’échelle nationale avec le tout nouveau Festival du Film d’El Gouna, qu’à l’échelle Internationale avec un festival tel que celui de Dubaï qui chaque année devient encore plus important.

Par ailleurs, tout le pays a besoin de la promotion que lui apporte le festival. Il n’y a qu’à voir l’impact de la réussite de la première édition du Festival du Film d’El Gouna sur la ville. Les réservations dans les hôtels ont augmentées et d’après Intishal Al Timimi, directeur du festival, même le prix des terrains est à la hausse.

 

Elizabeth Hurley sur le tapis rouge du CIFF
Elizabeth Hurley sur le tapis rouge du CIFF

 

Le célèbre critique égyptien Tarek Elshinnawi a d’ailleurs relevé que la présence de stars telles Nicolas Cage et Adrien Brody  à la cérémonie de clôture a été très positive, elle a surtout été une réponse à l’attentat commis au Sinaï quelques jours plus tôt et qui avait fait 305 victimes. Pour lui, la présence de tels acteurs a revêtu un aspect politique important.

Je suis d’accord avec lui et je confirme ce qu’il a écrit. Je pense en effet que la direction du CIFF avait fait le bon choix et que la présence de telles stars et la visibilité qu’elle confère sert énormément à promouvoir le pays. Sans oublier l’impact qu’ont eu les photos de ces stars visitant les Pyramides de Gizeh et autres sites ou monuments égyptiens à peine quelques jours après les images de morts et blessés lors de l’attentat du Sinaï !

 

Hilary Swank avec les Pyramides de Gizeh
Hilary Swank avec les Pyramides de Gizeh

 

Nicolas Cage sur le plateau de Gizeh
Nicolas Cage sur le plateau de Gizeh

 

Par ailleurs, je reste convaincue que la direction du CIFF, riche de l’expérience de cette année, saura tirer les leçons qui s’imposent pour réussir encore mieux la prochaine édition.

Pour sa 28eme édition, qui s’est déroulée en novembre dernier, la direction des JCC dit avoir fait le choix de ne pas inviter de stars et de faire un retour aux sources et au militantisme. Personnellement, je regrette ce choix. Je le répète, la présence de stars est très importante, surtout dans les circonstances actuelles que traverse notre pays. La Tunisie a besoin de promouvoir son cinéma et surtout son tourisme.

En conclusion, oui, les sponsors sont nécessaires, mais il ne faut pas qu’ils prennent le contrôle du festival. Bien sur, il s’agit d’une opération où chacun des partenaires doit être gagnant, mais pas au point que le sponsor devienne le patron. Il faut en fait trouver le juste équilibre qui permette au festival d’inviter ces stars et d’organiser de belles cérémonies et au sponsor d’être bien visible sans devenir envahissant.

 

 

Neïla Driss

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