Tunisie : Plus de 6000 commerçants bijoutiers risquent la faillite et l’emprisonnement...

Tunisie : Plus de 6000 commerçants bijoutiers risquent la faillite et l’emprisonnement...
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Tunis Hebdo | Attristé et abattu par la situation dans laquelle se trouve actuellement son secteur, Hatem Ben Youssef, président de la chambre syndicale nationale des bijoutiers, braque les projecteurs sur les problèmes.
Quel est l’état des lieux du secteur ? Le secteur de la bijouterie est en train de vivre des difficultés sur tous les plans. Les lois qui régissent le secteur, notamment ceux de 1942, de 1963 et de 2006, sont en train de le tuer petit à petit. Ces lois nous empêchent, à titre d’exemple, d’acheter de l’or d’une partie autre que la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Elles nous empêchent d’importer des pierres précieuses ou même d’exploiter notre main-d’œuvre et notre savoir-faire dans le cadre d’une sous-traitance internationale. Savez-vous que la Chambre de commerce italienne nous a proposé un contrat de sous-traitance qui offre à nos artisans une rémunération du plus du double de ce qu’ils touchent actuellement (et en devise) ? Une opportunité exceptionnelle à laquelle l’Etat ne semble pas s’y intéresser. Les autorités préfèrent, semble-t-il, laisser les 1200 artisans au chômage. Sinon, il faut dire aussi que ces lois handicapent aussi le citoyen.
"Des individus sont en train de vendre illégalement des bijoux sur les réseaux sociaux, sans payer ni impôt, ni taxe"
Comment ? Avec ces lois-là, le client n’a pas le droit de vendre un bijou (acheté ou offert) provenant de l’étranger. Il n’a même pas le droit de poinçonner ce bijou-là (le poinçon de garantie fixe la valeur du bijou, et se fait dans un «bureau de garantie), car le bureau de garantie n’accepte pas l’or provenant d’ailleurs que la BCT. Même lorsque le client souhaite acheter un bijou de l’une de nos boutiques, il se trouve obligé de présenter sa carte d’identité nationale (!) Ce qui dissuade beaucoup d’acheteurs qui préfèrent rester discrets. Ces lois sont vraiment insensées et doivent être revues le plus tôt possible, car elles ne servent l’intérêt de personne, même pas celui de l’Etat. De plus, elles n’existent dans aucun pays du monde. Aujourd’hui, nous sommes plus de 6000 commerçants bijoutiers au bord de la faillite et de l’emprisonnement, à cause de ces lois défectueuses. Quelles sont vos revendications ? Nous demandons juste des lois plus souples pour que le secteur puisse rebondir... Trouvez-vous normal que les commerçants bijoutiers, ayant deux boutiques ou plus, n’aient pas, par exemple, le droit de transférer leurs articles d’une boutique à une autre, en cas de rupture de stock ? Trouvez-vous normal qu’on n’ait pas le droit d’échanger les produits invendus auprès de nos fournisseurs ? C’est vraiment absurde !
"Nous demandons juste des lois plus souples pour que le secteur puisse rebondir..."
Comment la dépréciation du dinar a-t-elle touché votre secteur ? Cela nous touche profondément, vu que le prix de l’or dépend du dollar américain. De ce fait, plus le dinar baisse face au dollar, plus le prix de l’or augmente . Et cela a des conséquences négatives directes sur le citoyen, qui se trouve souvent incapable de faire face à la montée des prix de l’or (notamment, celui de 18 carats). Face à la cherté de l’or, beaucoup de citoyens optent pour le marché parallèle. Comment faites-vous pour faire face à ce fléau ? Le marché parallèle est en train de détruire notre secteur. Aujourd’hui, des individus sont en train de vendre illégalement des bijoux sur les réseaux sociaux, sans payer ni impôt, ni taxe. Ils offrent, de surcroît, un choix varié de marques internationales, alors que nous –de notre côté–, nous n’avons pas le droit d’en importer. C’est une concurrence déloyale, et personne n’agit, malgré nos plaintes récurrentes. La relation entre les commerçants et les artisans du secteur est-elle toujours aussi tendue ? Non, plus maintenant ! Cela était le cas dans le passé. Mais, depuis qu’on a touché le fonds du gouffre, chacun de son côté, nous sommes devenus plus soudés… Sinon pour conclure, permettez-moi d’ajouter un dernier point : comme si nos problèmes ne suffisaient pas, on nous a parachuté, dernièrement, à Souk El Berka, un «Amine» qui ne représente pas et qui est en train de nuire au secteur [NDLR : L’Amine et le chef de la corporation et expert. Il reçoit dans son bureau à Souk El Berka plusieurs bijoux que des particuliers viennent vendre].

Propos recueillis par Slim MESTIRI




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