Libye : Les dangers d’une intervention militaire

Libye : Les dangers d’une intervention militaire
National
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Tunis Hebdo | Le come-back de l’OTAN en Libye ne serait plus qu’une question de jours. Le repli massif des combattants "daéchiens" vers ce pays, acculés sous un déluge de feu d’évacuer leurs positions en Syrie et en Irak, semble avoir contraint l’Alliance atlantique et ses affidés d’intervenir sans plus tarder. Deux raisons majeures les forcent à agir rapidement : la poussée implacable des "jihadistes" en direction du "Croissant pétrolier" libyen et leur installation à proximité de l’Europe. Une double menace que l’Occident se dit décidé à faire avorter. De Derna, à la frontière égyptienne, proclamée dès le début de la guerre "émirat islamique", Daech n’a cessé de progresser le long du littoral. Il s’y est taillé une frange de près de 350 km, s’intercalant habilement désormais entre les capitales des deux grandes régions historiques du pays : Tripoli et Benghazi, que se disputent les milices dans des affrontements meurtriers. Il compte tirer profit de cette position géostratégique acquise sans coup férir pour empêcher toute jonction entre les deux provinces rivales et entraver la réunification du pays qui se ferait à son détriment. Daech ne veut pas d’une part du "gâteau", mais fédérer sous son autorité l’ensemble des milices islamistes de diverses obédiences pour s’accaparer tout le "gâteau". Aux dernières estimations, le nombre de combattants de l’organisation jihadiste aurait plus que triplé, dépassant les 6000 individus. Le flux des seigneurs de la guerre ralliant Daech continue de grossir au fur et à mesure que s’accroit la pression en Syrie et en Irak orchestrée par la Russie. "L’Etat islamiste" compte, malgré ce difficile contretemps, rallier les combattants du Mali et nouer une alliance avec Boko Haram pour étendre son empire au cœur de l’Afrique, dans le cadre d’un projet englobant le Maghreb et le Sahel, et même au-delà . De nombreuses organisations terroristes sont passées de la bannière d’Al-Qaïda - qui a un peu fané depuis la mort de Oussama Ben Laden – à la bannière de Daech. Ce mouvement s’étend désormais à l’Asie. Caucase, Afghanistan, Inde, Pakistan, Philippines : de plus en plus de groupes terroristes font allégeance à "l’Etat islamique". Des attaques meurtrières y ont fait leur apparition, comme l’attaque perpétrée par les Jihadistes à Jakarta en Indonésie, le 14 janvier dernier. Mais pour l’heure les troupes de Daech ont pour instruction de progresser vers le sud de Syrte, en Libye, en direction des champs pétroliers, dont le contrôle lui permettrait de conforter le trésor de guerre sérieusement entamé. La Libye est classée 4ème producteur d’or noir en Afrique après le Nigéria, l’Algérie et l’Angola. Pour toutes ces raisons, les forces « otaniennes » semblent déterminées à attaquer les forces de Daech en Libye pour préserver leurs intérêts (pétrole) et consolider la sécurité de l’Europe. L’Italie, qui se trouve à moins de 500 km des côtes libyennes, et la France, qui craint essaimage de Daech vers son pré carré africain, où ses troupes sont déjà en prise avec Aqmi au Mali et en Centrafrique, piaffent d’impatience pour en découdre militairement, directement ou par voisins de la Libye interposés. L’Egypte est d’accord mais, seule, elle risque de ne pas faire le poids. De plus, elle est déjà confrontée à une rébellion des Frères musulmans à l’intérieur, et à une sanglante guérilla islamiste sur ses frontières avec Israël. La Tunisie et l’Algérie ne sont pas du même avis. Elles s’opposent à toute intervention militaire étrangère qui aggraverait la situation plutôt que de la résoudre. Les précédents afghan, irakien et syrien sont là pour servir de leçons. Reste l’intervention directe de l’OTAN. Déverser sur l’ennemi une pluie d’obus à partir du ciel n’a jamais été efficace. Plus d’une année et demie de bombardements nourris n’ont pas défait Daech. Au contraire, il ne fait qu’essaimer un peu partout en Libye et ailleurs. Pour crever cette plaie, il faut commencer par le commencement : restaurer le pouvoir central, reconstituer l’armée nationale libyenne, dissoudre toutes le milices ou les intégrer dans cette armée restructurée, réhabiliter les anciennes forces tribales et politiques. Ce n’est qu’après –et seulement après – qu’une intervention efficace peut être conçue et tentée...

Tahar SELMI




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