Réflexe autoritaire !

Réflexe autoritaire !
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Tunis Hebdo - Les libertés sont-elles en danger dans notre pays, cinq ans seulement après le changement du 14 janvier ? Les derniers développements sur la scène politico-médiatique semblent incliner vers cette probabilité alors que le seul acquis réel conquis depuis lors est justement cette forme de liberté d’expression dont on bénéficie et qui, malgré quelques ratés, demeure un élément important, sinon décisif dans le processus démocratique que l’on souhaite mener à terme dans les prochaines années. Plusieurs aspects relatifs à cette question peuvent être considérés comme particulièrement inquiétants pour l’avenir de la démocratie et sur les véritables intentions des pouvoirs publics et des différentes forces politiques. La tentation de ces derniers de mettre la main sur les diverses institutions médiatiques ou constitutionnelles est très forte et apparaît dans leurs démarches, leurs approches et leurs décisions. Commençons par les pouvoirs publics qui ont pris au début de la semaine écoulée deux mesures particulièrement contestables sur le fond et sur la forme, celle de limoger le président-directeur général de la Télévision Nationale et de lancer une poursuite judiciaire sur la base de la loi anti-terroriste à l’encontre des coupables de la diffusion des images du défunt Mabrouk Soltani lors d’un journal télévisé. Il est clair que la diffusion d’images aussi atroces et inacceptables, sur tous les plans, constitue une grossière erreur, maladresse ou légèreté dont se sont rendus coupables les professionnels chargés de veiller sur le journal télévisé de la télévision nationale. Sur ce plan, le premier responsable de l’institution a rapidement pris la décision qui s’imposait en décidant des sanctions disciplinaires à l’encontre du premier responsable de ce dépassement. Reste que par la suite, la décision du Chef du gouvernement de le limoger et de nommer un intérimaire est non seulement indélicate mais contraire aux dispositions de la législation et de la réglementation actuellement en vigueur. Sur ce plan, le décret-loi 116 du 2 novembre 2011 portant sur la liberté de communication audiovisuelle et sur la création de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle prévoit des formalités précises quant à la désignation des responsables des établissements publics audiovisuels. En effet, et sur un plan strictement juridique, l’article 19 du décret-loi susvisé souligne que la HAICA est compétente pour donner son avis conforme pour toutes les nominations des présidents-directeurs généraux des établissements publics de la communication audiovisuelle. Cette disposition juridique consacre tout d’abord une double obligation en ce qui concerne les nominations, celle de solliciter l’avis de la HAICA, et celle ensuite de se conformer à son avis, ce qui signifie, dans le jargon juridique, que les pouvoirs publics sont devant un cas de compétence liée et ne peuvent donc qu’entériner cet avis. Ensuite, cette procédure engendre une autre obligation pour les pouvoirs publics, celle de respecter le principe du parallélisme des formes et des procédures, ce qui signifie que le Chef du gouvernement aurait dû solliciter l’avis de la HAICA dans le cas du limogeage du PDG de la télévision nationale et de se conformer à cet avis. En fait, cette décision, et au-delà de sa violation du décret-loi 115, a privé l’institution de la télévision nationale de fonctionner comme une institution autonome et indépendante. Car elle a pris la première décision qui s’imposait, et pouvait par la suite diligenter une enquête approfondie pour connaître les véritables raisons derrière cette maladresse et lui donner les suites qu’elles nécessitaient. Cela aurait certainement été beaucoup plus libéral et plus respectueux des institutions que cette décision de lancer des poursuites judiciaires à l’encontre des coupables en se fondant sur la loi antiterroriste du 7 août 2015. Une initiative qui a provoqué un véritable tollé de la part des syndicats de journalistes, le syndicat national et aussi la fédération internationale des journalistes. Les différentes forces politiques n’ont pas caché aussi leurs véritables motivations comme le démontrent leurapproche relative à la Cour Constitutionnelle et les discussions houleuses qui s’en sont suivies. En effet, on a pu constater que la volonté première consistait à préparer le terrain à une mainmise politique et idéologique sur une institution supposée jouer le rôle du véritable baromètre pour le futur des libertés et des droits de l’homme et des citoyens. Car, le caractère lâche et peu rigoureux, donc susceptible des interprétations les plus diverses, voire les plus contradictoires, des dispositions de la Constitution de 2014 engendre cette tentation, surtout de la part des islamistes, de prévenir à la fois la composition de cette Cour et son fonctionnement afin de mieux contrôler cette institution et même, éventuellement, lui dicter ses décisions. Cela signifie dans l’absolu que les divers acteurs de la vie politique n’ont pas encore réussi à intérioriser les idéaux démocratiques. Certains ont encore ce réflexe autoritariste qui les empêche de les concrétiser alors que d’autres ne les partagent pas, tout simplement, et ont une autre vision de la société, ainsi que de l’organisation et du fonctionnement des institutions et de la vie politique. Autrement dit, les ennemis de la démocratie ne sont pas ceux toujours que l’on croit, ou au moins partagent-ils la même vision totalitaire des choses. Ce danger est d’autant plus présent que le contexte actuel marqué par les menaces terroristes pourrait faire baisser la vigilance populaire quant à la détermination de défendre les principes de liberté. Or, on ne peut se battre, lutter et s’opposer à la violence que si on est libre, une liberté fondée sur le sens des responsabilités envers l’Etat et de don de soi envers la patrie…

L.L.




André Parant juge nécessaire de préserver les acquis démocratiques en Tunisie

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