Paris meurtri ou la stupeur de Saint-Augustin

Paris meurtri ou la stupeur de Saint-Augustin
Chroniques
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Hier soir, je relisais quelques passages de Saint-Augustin, question de me replonger dans la pensée d'un visionnaire maghrébin du quatrième siècle, tout en lui rendant un silencieux hommage,1661 ans après sa naissance à Thagaste, un 13 novembre de l'an 354.
Les dernières années de l'Empire romain
Ce que je retrouvais hier soir, c'était la sensation diffuse que toute la vie d'Augustin s'inscrivait dans les dernières années de l'Empire romain d'Occident, d'abord infiltré puis envahi de partout. En ces temps lointains, Ammien Marcellin constatait la montée des périls. Il écrivait ainsi:" Jour et nuit, en vertu de l'autorisation impériale, les Goths, entassés sur des barques, des radeaux, des troncs d'arbres creusés, étaient transportés de l'autre côté du Danube". Quelques années plus tard, en 410, surviendra le pillage de Rome par Alaric. Ce qui fit dire à Jérôme qui, en terre sainte, traduisait la Bible: "L'univers entier a péri dans la perte de Rome seule... Qui eut pensé que Rome s'écroulerait au point de devenir le tombeau des peuples dont elle était la mère".
"La souffrance est une épreuve pas la damnation"
Saint-Augustin qui étudia et enseigna à Carthage, prononça en cette époque un sermon demeuré célèbre, un sermon dans lequel il disait en substance: "Tout ce qu'on a raconté est terrible, ces monceaux de ruines, ces incendies, ces meurtres et ces barbaries... Nous avons gémi, nous avons pleuré sans pouvoir nous consoler". Visionnaire, Augustin ajouta : "Vous vous étonnez que le monde périsse ! Le monde est comme l'homme, il nait, il grandit, il meurt... Ne soyons pas troublés en voyant les justes souffrir ! Leur souffrance est une épreuve, ce n'est pas la damnation". Ainsi, sans relativiser la barbarie, Augustin pose le primat des desseins de la Providence : "Dans tout cela, le plus important, c'est le parti qu'on tire de ces choses... Tant il est vrai que l'important, c'est moins ce qu'on endure que la façon dont on l'endure".
Les clés de la compréhension sont aussi dans le passé
Ces paroles d'une autre époque troublée éclairent encore notre présent. Devant les odieux attentats de Paris, devant les assauts multiples et répétés de la barbarie, les clés de la compréhension sont aussi en ces temps lointains lorsque s'effondrait l'Empire d'Occident. C'est Claudien qui disait alors, à propos de l'attentisme complice de Constantinople devant les dangers qui menaçaient Rome : "Quand le Hun, le Sarmate est aux portes, ils ne s'intéressent qu'au théâtre: ils ont l'habitude de dédaigner Rome et admirer leurs propres demeures. Que le Bosphore les engloutisse!"
"Rien de ce qui est humain ne m'est étranger"...
Plus près de nous, et à une époque encore plus lointaine, nous ne pouvons oublier la fameuse injonction de Terence l'Africain, cet autre enfant de Carthage. Terence est en effet celui qui est l'auteur d'un vers célèbre depuis l'Antiquité. Cette phrase est généralement considérée comme la formule de l'humanisme ancien. Cette phrase, nous la connaissons tous : "Je suis humain et rien de ce qui est humain ne m'est étranger". Cette injonction de Terence est plus que jamais d'actualité face au déferlement de la barbarie. Elle nous assigne un devoir d'humanité, en particulier à nous qui vivons sur cette terre tunisienne et qui, à travers les siècles, sommes interpellés par un de nos ancêtres. Terence, Saint-Augustin: deux voix éternelles pour dire notre désarroi et, surtout, pour ressentir que l'histoire est un éternel recommencement...

H.B.




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