Impasse !

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Ce début de l’été, qui a coïncidé avec la proclamation de l’état d’urgence dans tout le pays après l’horrible et lâche attentat terroriste de Sousse, marque aussi la fin de l’année scolaire alors que l’année universitaire continue encore de livrer ses derniers verdicts. C’est donc un moment propice pour tenter l’évaluation du système éducatif en lien avec le déroulement et les résultats d’une année qui n’a pas ressemblé à ses devancières avec notamment une série de conflits entre les différents syndicats et les ministères concernés qui ont laissé des traces sur les relations entre toutes les parties prenantes. Tout le monde s’accorde à dire que le système éducatif tunisien est pratiquement dans une impasse avec de nombreux dysfonctionnements qui ont produit un impact extrêmement négatif sur sa qualité. Rien qu’en analysant les données chiffrées des résultats du baccalauréat de cette année, on constate une chute du taux de réussite qui a régressé de 13% par rapport au taux de l’année dernière.
Réfléchir sur le devenir d’un système éducatif qui part en déliquescence
Et encore, ce taux aurait certainement été encore plus important si les autorités avaient osé aller plus loin dans la suppression des fameux 25% entrant en ligne de compte dans le calcul des moyennes, et qui furent ramenés à 20% seulement alors qu’ils auraient dû être totalement supprimés. En fait, il ne s’agit pas d’analyser les raisons de cette baisse, qui pourraient être aussi liées à une conjoncture particulièrement instable en raison des soubresauts qui ont marqué l’année scolaire ; mais de constater qu’il est urgent de réfléchir de manière approfondie sur le devenir d’un système éducatif qui part en déliquescence. Aujourd’hui, on peut clairement souligner que chaque étape et chaque niveau d’enseignement fait le procès de celui qui le précède. Autrement dit, l’enseignant du supérieur, qui se trouve au bout du processus de formation, avec la réception des élèves pour amorcer avec eux leur perfectionnement dans la perspective de leur délivrer un diplôme universitaire, constate avec effroi l’incapacité de ses nouveaux étudiants.
Absence quasi-totale de motivation et d'enthousiasme
Du moins dans leur écrasante majorité, à recevoir et assimiler les moindres informations scientifiques et bute sur leur faiblesse manifeste à tous les points de vue, en partant de leurs aptitudes linguistiques pour arriver à leurs capacités intellectuelles et de réflexion sans oublier l’insignifiance de leurs connaissances et de leur culture générale comme s’ils avaient vécu jusque-là dans un véritable désert culturel. Si on ajoute à cela l’absence quasi-totale de motivation et de cet enthousiasme et de cette envie, nécessaires, pour réussir son apprentissage scientifique, on peut comprendre la qualité médiocre du produit final. Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle s’est aggravée depuis quelques années à partir du moment où l’ancien régime, dans ses élans populistes trompeurs et sournois, avait politisé l’enseignement l’utilisant, à travers un système d’examen et une gestion laxistes, comme un moyen de gouvernement pour satisfaire des citoyens qui n’avaient pour seul objectif que la réussite de leurs enfants, peu importe les moyens et faisant fi de la qualité de l’enseignement reçu. Parallèlement à cette « technique » criminelle pour le pays, puisqu’elle produit au bout du compte une « élite » d’un très faible niveau, le régime avait aussi lâché le secteur public pour soutenir et encourager le secteur privé derrière le slogan creux qui voudrait que « la concurrence » aurait un impact positif sur la qualité de l’enseignement dans sa globalité.
L’approche ne peut être que globale
Or, cela n’a fait qu’aggraver la situation et creuser l’écart, notamment dans l’enseignement de base, entre les deux secteurs, au détriment du public. C’est dire que le dossier de l’éducation et du système éducatif en Tunisie est extrêmement complexe et mérite plus qu’une réflexion rapide et des mesures improvisées pour le replacer dans la bonne direction. L’approche ne peut être que globale avec, en premier lieu, la réflexion sur les objectifs que l’on souhaite atteindre pour former non seulement des ingénieurs, des médecins, des avocats ou des juges mais surtout des citoyens éclairés, ayant de la personnalité et doté de cette capacité de réfléchir et non pas de se transformer en des pantins manipulables par des esprits étroits et rétrogrades à même de les pousser à tuer leurs propres compatriotes. Toujours dans ce cadre, l’approche doit toucher les trois niveaux d’enseignement en même temps, autrement dit les deux départements qui en sont chargés doivent collaborer étroitement entre eux pour dégager une réforme qui va de l’entrée à l’école jusqu’à la sortie de l’université. La cohérence et l’homogénéité du système dépendent de la capacité des parties concernées à travailler ensemble sur un projet de réforme.
Eluder les propos et les slogans populistes
En second lieu, il faut éluder les propos et les slogans populistes. Il s’agit d’éviter les surenchères à ce niveau pour faire en sorte de garantir à nos enfants et aux générations futures une formation rigoureuse mais aussi ouverte sur le monde et les diverses civilisations humaines. Un slogan à l’instar de l’arabisation de l’enseignement, déjà usité à satiété et mis en pratique avec les dégâts que l’on sait par l’ancien régime et même avant (l’époque Mzali), est manifestement obsolète et anachronique. Moderniser l’enseignement ne signifie pas lui ôter toute authenticité ou provoquer une acculturation de nos jeunes, mais lui permettre de demeurer au diapason de ce qui peut se produire dans le monde en termes d’accessibilité à la culture et à la science universelles !
Des conditions de travail catastrophiques à tous les niveaux
En troisième lieu, il s’agit de réinvestir dans l’enseignement. Car, les conditions de travail sont franchement catastrophiques à tous les niveaux d’enseignement. Il faut investir non seulement dans l’infrastructure mais aussi dans les ressources humaines. Il faut faire en sorte que l’école, le lycée et l’université deviennent pas uniquement des centres de savoir mais aussi de culture, d’art, de sport, de loisirs intelligents, bref de vie. Ensuite, il s’agit d’assurer la formation des formateurs et de mettre en place des mécanismes de perfectionnement réguliers. Et enfin, il faut faire un effort pour que les enseignants bénéficient de rémunérations à même de leur procurer le confort minimal. Aujourd’hui, notre université par exemple est confrontée à la « fuite » de plusieurs de ses compétences parties à la « chasse » des pétrodollars pour améliorer leur quotidien ! C’est une perte catastrophique surtout si elle prend une proportion plus grave encore. La réforme du système éducatif est donc un immense chantier, mais de sa réussite pourrait dépendre l’avenir de ce pays et son destin. Alors prenons garde et faisons en sorte qu’il atteigne son ultime objectif : former le citoyen démocrate et tolérant de demain !

L.L.




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