Adieu, Mansour !

Adieu, Mansour !
Tribune
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  TRIBUNE | Par Imed BEN HAMIDA Il avait un sens suraigu de la responsabilité et un dévouement drastique dans l’accomplissement du devoir. On eût pensé qu’il les hérita d’un quelconque apprentissage militaire. En fait, il les devait à lui-même, c’était inné chez lui. C’était la sève dont il se nourrissait. Il était d’une rigueur singulière qui rebutait plus de gens qu’elle n’en attirait vers lui. Mais il en faisait peu de cas. Que son cercle d’amis s’élargissait ou se rétrécissait cela ne le tourmentait pas. Il voulait qu’on l’apprécie pour ce qu’il est et ce qu’il a choisi d’être, parce qu’il était l’un des rares à ne pas user de ces tortueuses hypocrisies sociales, si communes, pour se tisser des amitiés ou des connaissances. On eût dit qu’il faisait exprès de mettre cette rigueur en évidence, dans son apparence même, comme moyen de défense, c’était son amulette à lui pour chasser les fourbes et les malveillants. Il se foutait, du reste, de l’opinion qu’on se faisait de lui, du moment qu’elle n’ébranlait pas ce qu’il pensait être le fondement de sa personnalité. Il ne dépendait pas, pour ainsi dire, du satisfecit des autres. Il puisait la volonté dans lui-même, dans sa foi en ses propres capacités. Et du travail, il en abattait. Pointilleux, implacable quant au moindre détail, il était intransigeant et ne négociait pas quand il pensait être dans son droit, se froissait à la moindre contrariété qui touchait au fruit de son labeur. Mais il travaillait en silence, il n’était pas de ceux qui grognassaient à cause du volume de la tâche ou de sa difficulté. Il exécutait du mieux qu’il pouvait, ne mesurait jamais son effort à une contrepartie. Il donnait plus qu’il ne recevait, mais ne s’en plaignait jamais. Tout cela sans la moindre prétention. Il se contentait d’une double casquette de chroniqueur social et de journaliste sportif, ne se hasardait pas dans ce qu’il ne considérait pas de son ressort. Alors que le premier attardé de ceux dont regorge la presse dans ce pays se serait mis à disserter politique dès qu’il aurait su garer un verbe derrière un sujet, lui, dont le style alliait subtilement rigueur et élégance, en plus d’un respect scrupuleux des règles de la langue, ne se prenait pas pour un intellectuel, n’outrepassait pas ce qu’il s’était fixé comme sujets de préoccupation. C’était un gros dévoreur de polars, il en avait dévalé des épaisseurs entières. Dashiell Hammet, Raymond Chandler, Agatha Christie, Frédéric Dard, Carter Brown et James Hadley Chase n’avaient pas de secret pour lui. On croirait qu’il les avait côtoyés, qu’il avait été quelque part avec Sam Spade, Philip Marlowe ou Hercule Poirot. C’est grâce à lui que nous pûmes lire, en son temps, le fameux SAS « Commando sur Tunis », où son Altesse sérénissime Malko Linge est venu sauver Bourguiba d’un complot ourdi par Kadhafi et où Ben Ali, non encore au pouvoir, se faisait appeler par Gérard de Villiers, général Marchana. Et puis, il y a l’homme. Derrière cet air grave du journaliste à la tâche, se cachait un bon vivant, un bon ami, loyal et généreux. En fait, d’apparence, il était comme les portes des « speakeasies » des polars qu’il lisait, sombres et austères et peu invitantes de l’extérieur, il suffisait d’ouvrir la petite fenêtre pour apercevoir toute la joie de vivre, toute la gaité, toute la bonhomie qui fusait à l’intérieur. C’est comme ça qu’il était. Il fallait tout simplement faire l’effort de s’inviter dans son monde. Et c’est aussi pour cela qu’il nous manquera à tous et que nous continuerons à ressentir la même douleur après ce départ cruel. A sa femme Hela qui a été à ses côtés jusqu’au bout, qui l’a soutenu, avec beaucoup de courage, dans les moments les plus durs, et Dieu sait s’il en a eus ; à sa famille, à ses amis, à ses collègues, nous réexprimons nos plus sincères condoléances. Nous aurions tous tant souhaité que Mansour fasse, encore, un petit bout de chemin avec nous… [quote_box_center]

Un des pionniers du foot féminin

Parallèlement à ses activités journalistiques, Mansour Amara était aussi l’un des plus fervents promoteurs du football féminin. L’aventure a commencé en 2004 quand il fit partie de la Ligue Fédérale qui s’était occupée de l’organisation de tournois de football féminin, un peu partout dans le pays. Le but de ces compétitions était de voir la réalité du terrain avant de lancer un véritable championnat.

En 2006, la Ligue Nationale Féminine de Football a vu le jour et Mansour Amara fut l’un des membres fondateurs de cette institution. Il y a été désigné comme président de la commission des compétitions et le chargé de communication jusqu’à la saison 2011-2012. De tout le paysage journalistique tunisien, Mansour Amara est l’un des rares, pour ne pas dire le seul, à avoir assuré la promotion du football féminin, à y avoir cru et à avoir continué à le soutenir.

Un travail énorme et des efforts immenses lui ont valu les honneurs du ministre des Sports et de la Jeunesse, Tarek Dhiab, en 2012 à l’occasion de la Finale de la Coupe de Tunisie de football féminin. En 2013, c’est le comité olympique qui l’honore, à son tour, pour son rôle prépondérant dans le développement du football féminin.

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Des petits vœux bien propres

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Discours de Beji Caid Essebsi, Docteur Honoris Causa, à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

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