Dix mots "francisés" qu’on ne trouve qu’en Tunisie

Dix mots "francisés" qu’on ne trouve qu’en Tunisie
Culture
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[dropcap]E[/dropcap]n arrivant de France, ou d'un autre pays francophone, on est étonné de voir ou d'entendre en Tunisie des mots français inconnus. Pour finalement découvrir qu'il s'agit de termes tunisiens francisés, utilisés dans le langage courant et relayés, très sérieusement, par les médias tunisiens francophones. Nous en avons sélectionné dix, parmi d'autres.

Beldi. Le terme désigne aujourd'hui ce qu'on appelle, communément, Tunisois de "souche". En réalité, le mot "beldi" désignait les élites féodales, religieuses et sociales. Ils sont  artisans ou négociants, religieux et lettrés, membres de l'administration turque ou riches propriétaires terriens bénéficiant des rentes des exploitations agricoles du temps des beys.

Destouriens. Les destouriens sont ceux qui appartenaient au Parti Socialiste Destourien (PSD) de Habib Bourguiba, premier président de la République tunisien. Le terme se réfère à la constitution, l'une des premières revendications du PSD, crée en 1920, pour rétablir les droits dont jouissait le pays avant le protectorat français.

Depuis la révolution, les partisans du RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique), parti dissous du régime Ben Ali, en 2011, ont commencé à se revendiquer "destouriens"  afin d'éviter d'être associé au RCD.

Exemple : Création du "Front destourien" en avril 2013, avec Kamel Morjane, ex-ministre de Ben Ali, Mohamed Jgham, ex-ministre de la Défense, de l'Intérieur, etc.

Encadreur. On ne dira pas un encadrant, comme en France, mais un encadreur. C'est celui chargé d'encadrer les étudiants en enseignement supérieur. Par exemple, dans le cadre d’une thèse, il est le référent qui va accompagner l’étudiant jusqu’à sa soutenance. Cependant, selon le centre national français des ressources textuelles et lexicales, un encadreur est "celui qui encadre des estampes, des tableaux".

Harraga. Littéralement, en arabe tunisien, le mot signifie« ceux qui brûlent ». Néanmoins, en tunisien, on utilise ce terme pour désigner les migrants maghrébins clandestins qui partent sur les bateaux de fortune pour l'Europe.

La raison de cette appellation revient au fait qu'avant de partir, les migrants brûlent leurs papiers pour qu'on ne sache pas et qu'on ne les renvoie pas à leurs pays d'origine.

Vu dans El Watan, en 2009, « Rien n’arrête les harraga : une centaine interceptée à Oran, 30 débarquent en Tunisie » ou Pour s’initier à la piraterie, les miliciens libyens font la chasse aux "harragas".

Louage. Pour se déplacer entre les villes en Tunisie, on utilise ce qu'on appelle "louage". On les reconnaît facilement à leur bande rouge ou bleue. Ce sont des taxis collectifs, monospaces ou breaks blancs qui peuvent contenir huit personnes. Comptez approximativement 4 dinars pour 1 h de trajet. Pas cher !

Maîtrisard. N'est pas utilisé non plus en France ou en Belgique, ... Par contre en Tunisie, un "maîtrisard" est un étudiant qui a obtenu sa maîtrise à l'issue de quatre années de dur labeur en sortant du Baccaulauréat. Les maîtrisards ont le droit à leur nom distinctif. Au même titre que les "thésards", ceux qui détiennent une thêse. Dans un journal tunisien francophone, on peut tomber sur des annonces du type « Entreprise recrute maîtrisard en… ».  Sécuritaires. Parce qu'il est trop long de préciser "action commune aux forces de police, de la garde nationale et à l'armée", le mot "sécuritaires" permet d'associer les trois. Notamment lors d’actions contre les terroristes, l’encadrement de manifestations, ou pour parler de la sécurité assurée en Tunisie en général. Exemple : Echanges de coups de feu à Jebel Bireno entre sécuritaires et terroristes.  

Taghout. Deux significations principales expliquent ce terme, plutôt en arabe littéral et non en tunisien. La première réfère à Satan alors que la deuxième est attribuée à "l'injuste gouverneur qui ne suit pas les préceptes du Dieu des musulmans". Il représente le tyran ainsi que ses "serviteurs". Les extrémistes religieux qui se disent "défenseur de l'Islam" désignent souvent les sécuritaires de "taghout" parce qu'ils sont au service de ce qu'ils considèrent comme des dirigeants injustes.

Depuis la révolution, plusieurs attaques terroristes ont eu lieu. La dernière date du 3 janvier où un policier a été égorgé à El Fahs. Suite à cet énième meurtre, Sahbi Jouini, président de l'Union des syndicats sécuritaires en Tunisie, a rappelé que  ces extrémistes les qualifient de "taghout". 

Takfiristes. Dans les médias tunisiens ainsi que les pages reliées au ministère de l'Intérieur ou de la police, on parle souvent d'arrestation de "takfiristes". Ce sont des extrémistes islamistes qui accusent, à tort et à travers, les gens, qu'ils soient musulmans ou pas, de "infidèles".

Exemple : 27 "takfiristes" arrêtés suite à l’attaque du poste de la Garde nationale à Douar Hicher.

Zatla. Plutôt que « cannabis » ou « hachich », le tunisien parle de « zatla ». Au point où il existe des articles on parle de la « loi de la zatla » en Tunisie, qui fait référence à la "Loi 52". Les médias tunisiens se sont appropriés ce terme à cause des arrestations fréquentes des consommateurs, souvent condamnés à une peine de prison d’un an et 1000 dinars d’amende, minimum. Une sanction plutôt sévère par rapport au reste du monde. Exemple : 52 kilos de cannabis (zatla) ont été saisis à Kasserine.

Caroline MALCZUK

Lilia WESLATY




"19B" sélectionné pour le 44e Festival International du Film du Caire

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