Reportage| Révolution tunisienne : Un quatrième anniversaire en mosaïque

Reportage| Révolution tunisienne : Un quatrième anniversaire en mosaïque
National
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[dropcap]A [/dropcap]Tunis, les Tunisiens célèbrent ce mercredi 14 janvier le quatrième anniversaire de la révolution tunisienne qui a mené à la chute du président Zine el Abdidine Ben Ali, le vendredi 14 janvier 2011 et son exil vers l'Arabie Saoudite. Les Tunisiens ont afflué en masse en ce jour historique vers l'avenue Habib Bourguiba de Tunis, lieu du fameux rassemblement du 14 janvier 2011 où des milliers de citoyens unis ont scandé "Dégage" au président déchu devant le ministère de l'Intérieur. Alors qu'en 2011, cet espace public était partagé, sans entrave, cette année, comme celle de 2012, 2013 et 2014, l'avenue était divisée par des barrières en fer installées la veille et encadrés par les fourgons des forces de l'ordre.Face au ministère de l'Intérieur où des milliers ont scandé un "Dégage" à l'ancien régime en 2011, seul le parti Watad a occupé la même place, brandissant les photos de son leader assassiné le 6 février 2013 Chokri Belaid, et celles du député panarabiste Mohamed Brahmi (du Courant populaire, crée le 7 juillet, 18 jours avant son assassinat, en 2013.)Juste à côté du ministère, un mémorial gardé à l'abri des citoyens, protégé par des barrières en fer a été décoré d'une gerbe de fleurs. Le ministère de l'Intérieur, organe de la répression du mouvement populaire en 2011, célébrait lui aussi, quatre ans plus tard, ses martyrs.A droite du bâtiment du ministère, des policiers étaient réunis sous une tente, à veiller au bon déroulement de la fête avec de la musique glorifiant "le sacrifice pour la patrie". De l'autre côté de l'horloge, les passants s'arrêtaient pour observer les hommes privilégiés, notamment ceux des syndicats sécuritaires. qui avaient accès à l'arène. Un peu loin, l'homme aux habits traditionnels, personnage incontournable des fêtes nationales depuis 2011, était debout, immobile sur l'allée. Comme chaque année, sourire aux lèvres, il tenait sa fameuse pancarte : "Qu'elle est belle notre Tunisie avec nous et que sommes-nous beaux avec elle".    Quelques mètres plus loin, se trouvait un groupe d'hommes, celui du parti Hezb Ut-Tahrir, légalisé le 17 juillet 2012, par la présidence du gouvernement Jebali, bien que ce parti ne reconnaisse pas la notion de la république.Pancartes identiques, imprimées, on pouvait y lire : "De la Tunisie débute la révolution de la nation, vers un Califat juste" ; "Changer le régime et pas seulement les dirigeants ... a dit le prophète " ; "Et après le califat aura lieu ... comme cela a été prédit".    Au milieu de la foule, Ridha Bel Haj, chef du parti islamiste Hezb Ut-Tahrir félicitait les Tunisiens qui ne sont pas allés voter lors des élections en 2014 (Plus de quatre millions). "Takbir" (Dieu est le plus grand) ripostait un autre, cri repris par les partisans, après chaque déclaration de Bel Haj. Contrairement au parti Nidaa Tounes, vainqueur aux législatives du 26 octobre 2014 mais qui était absent à l'avenue, celui d'Ennahdha était bien présent. L'islamiste parti a rassemblé des hommes et des femmes, contrairement à Hezb Ut Tahrir, exclusivement "masculin". Toujours considérée comme une force politique importante sur la scène, Ennahdha, qui a eu la deuxième place au parlement avec 69 sièges, fêtait la révolution en présence d'une centaine de ses fidèles. Et c'est un jeune de l'UGTE qui faisait le discours sur l'allée, en face du théâtre municipal, devant une grande installation sonore et visuelle : " Nous continuons la révolution" ; "Si la liberté est atteinte, nous serons là pour la protéger"; "Nous voulons libérer la Palestine", disait-il au micro ... Un seul drapeau du parti, accroché à un long mât, flottait au-dessus de la foule.A quelque mètres de la scène d'Ennahdha, des familles des martyrs et blessés de la révolution sont venues à Tunis. Devant le théâtre municipal, ils affichaient le message "Nous n'abdiquerons pas". Face à la libération au cours des trois dernières années de plusieurs accusés de meurtres et de répression, la question demeure la même : "Qui les ont tués ?"Les familles des martyrs et les blessés de la révolution brandissaient plusieurs autres slogans : "Gloire aux martyrs" ; "Où sont les snipers ? "Les snipers sont une rumeur !",  ironisaient-ils en faisant référence aux déclarations de Béji Caïd Essebsi en 2011 qui avait nié l'existence de snipers en Tunisie. Ce dernier a été élu trois ans plus tard, le 21 décembre 2014, pour être président de la République. Les familles, tristes et dépitées, criaient leur colère "Ministère de l'intérieur, ministère terroriste !" reprenant le slogan de la foule lors du 14 janvier 2011. Une marche a eu lieu par la suite avec les membres de la société civile, notamment les avocats et le FTDES qui avaient organisé l'événement. Toujours présent pour couvrir les manifestations et les mouvements populaire, le blogueur et journaliste Sofiane Chourabi ne l'était pas cette année. Ses photos et celles de son ami photographe Nadhir Ktari étaient brandies par leurs proches et membres de la société civile. Enlevés depuis le 8 septembre 2014, en Libye, leur sort reste incertain depuis l'annonce sur twitter de leur exécution par Daech. Sur l'allée, le nom d'un autre blogueur était brandi par ses proches, celui de Yassine Ayari, condamné à trois de prison par le tribunal militaire.Juste à côté, une dizaine de membres du parti socialiste brandissaient quelques pancartes anticapitalistes et d'autres accusant "les deux partis de droite,  Nidaa Tounes et Ennhdha" d'être affiliés au parti RCD, dissous au mois de mars 2011.Vers 11 heures devant le siège de l'UGTT,  M. Houcine Abbassi, secrétaire général de l'UGTT, donnait quant à lui un discours devant une place archi-comble, entre citoyens, des figures syndicalistes.M. Abbassi a rendu hommage aux martyrs de la révolution ainsi qu'aux "efforts de l'UGTT pour le développement" en Tunisie. Ensuite, il a condamné l'attentat contre Charlie Hebdo accusant les sionistes du détournement de l'attention du monde des succès des autorités palestiniennes pour la reconnaissance de l'Etat de la Palestine. [quote_box_center]

"Nous condamnons l'acte terroriste et lâche, qui a eu lieu en France et qui a coûté la vie à des journalistes, des sécuritaires et des citoyens innocents, survenu en concomitance de ce que fait l'entité sioniste qui en a trouvé l'occasion pour détourner les regards de l'opinion publique, pour le tromper, détourner son regard des crimes et de ce qu'il fait subir comme injustice et tyrannie sur nos frères palestiniens, et surtout détourner le regard de l'opinion mondiale des succès des Autorités palestiniennes pour la reconnaissance internationale du droit du peuple palestinien pour la construction d'un Etat indépendant, avec comme capitale Al Quds "l'honoré".

[/quote_box_center] Pour assurer le bon déroulement de cette journée commémorative, la présence policière était massive. Bien que la Tunisie ne soit plus sous état d'urgence, les fils de fer barbelés n'ont toujours pas disparu du paysage.Quatre ans et quatre élections depuis le 14 Janvier, des Tunisiens persévèrent pour la réalisation des objectifs de la Révolution : Travail, Liberté et Dignité nationale. D'autres sont lassés, notamment avec le retour du RCD sur la scène politique et l'échec cuisant de la gauche aux élections législatives. D'autres réclament aussi le califat islamique ...  



André Parant juge nécessaire de préserver les acquis démocratiques en Tunisie

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