Deux ans au pouvoir : la Troïka face à son échec

Deux ans au pouvoir : la Troïka face à son échec
National
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Le 23 octobre 2011, les Tunisiens sont allés aux urnes pour la première fois, espérant que leur vote sera, cette fois, décisif et qu'ils pourront changer les choses après des siècles de monarchie et cinquante ans de tutelle destourienne. Les Tunisiens, affamés de liberté rêvaient d'une constitution moderne qui les protège contre la possibilité de retour d'un nouveau tyran. Bref, il n'a suffit que de quelques jours pour que les espoirs de beaucoup de citoyens commencent à se dissiper. En effet, deux partis laïques de gauche considérés comme portes-drapeau des espoirs démocratiques s'allient au parti Ennahdha. La Troïka constitue la majorité au sein de l'Assemblée et se désengage de l'accord sur la limitation de la durée d'une année signée avant des élections. Le premier gouvernement de Jebali arrive et ne rompt pas avec le clientélisme de Ben Ali. Le gendre de Ghannouchi et tous les amis de Marzouki et Ben Jaâfar deviennent ministres. La Troïka a voté une loi d’organisation provisoire des pouvoirs qui instaure un déséquilibre entre les deux têtes de l’exécutif: un Premier ministre issu d’Ennahdha détient tous les pouvoirs, un président issu du CPR sans prérogatives. Depuis, la Tunisie sort d'une crise politique ou d'un deuil pour entamer un autre. Une assemblée paralysée et une justice transitionnelle absente Le palais du Bardo a vécu deux années très chaudes. Il a été, la plupart du temps, assiégé par des manifestants en colère. A l’intérieur, nous avons assisté à deux ans de spectacle, de disputes, de cris, des accusations de part et d’autre et parfois d’agressions verbales et même physiques. L’Assemblée a échoué à réaliser ses principales missions, la rédaction d’une Constitution représentant tous les Tunisiens et la mise en place d’une loi de justice transitionnelle et d’instances de régulation pour les journalistes et les juges. La rédaction de la Constitution a été bloquée à cause des caprices du parti Ennahdha concernant, dans un premier épisode, la charria malgré les promesses électorales et ensuite le régime parlementaire. L’opposition proteste également contre le chapitre des droits et libertés liberticide. En plus, faute d’experts, la qualité du texte laisse également à désirer. Après l'assassinat de Mohamed Brahmi, l'opposition a gelé sa présence à l'Assemblée. La justice transitionnelle, quant à elle, est transformée en justice sélective et en moyen pour attirer certaines compétences de l’ancien régime et punir tous ceux qui refusent la normalisation avec Ennahdha. Ettakatol et le CPR en état de décomposition Le choix de s'allier à Ennahdha contre les promesses électorales a fait perdre à Marzouki et Ben Jaâfar leur crédibilité par rapport à leurs électeurs. Les deux partis qui avaient récolté 25% des voix en octobre 2011 se trouvent avec 2.5 points en septembre 2013 dans les sondages les plus optimistes. Le partage du butin électoral, le désaccord quant à la position du parti Ennahdha et les élections internes pour le renouvellement des structures des deux partis ont accentué les différences. Des centaines de démissions et de scissions se succèdent et le linge sale des deux partis fait la une des journaux. Le CPR, par exemple, s'est divisé en plusieurs partis présidés par Imed Daïmi, Mohamed Abbou, Abderraouf Ayedi et Taher Hmila. D’autres membres du CPR ont opté pour d’autres partis comme Nidaa Tounes. De même, plusieurs députés d’Ettakatol ont opté pour la Voie Sociale Démocrate. Une diplomatie au service des frères musulmans et du Qatar Depuis l'ascension de la Troïka au pouvoir, la diplomatie tunisienne s’aligne tous le temps avec les positions du Qatar et de ses alliés. En effet, la Tunisie a rompu ses relations diplomatiques avec la Syrie sans penser au sort des Tunisiens expatriés en Syrie. Elle a ensuite accueilli un sommet de l’opposition syrienne. Après le renversement de Mohamed Morsi par l’armée égyptienne, la Tunisie a pris le parti des frères musulmans. Le président provisoire Mohamed Moncef Marzouki a consacré une partie de son allocution devant l’Assemblée générale des Nations unies pour défendre Mohamed Morsi. Les relations diplomatiques de la Tunisie avec l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis sont tendues à cause des positions de la diplomatie tunisienne au sujet de l'Egypte. Malgré la coopération dans la lutte contre le terrorisme et la médiation algérienne en Tunisie, les relations Tuniso-Algériennes ne connaissent pas au beau fixe. Quelques déclarations maladroites de Moncef Marzouki et de Rached Ghannouchi ont été très mal perçues par le voisin algérien. Une opposition divisée et une guerre des egos L’opposition est également encore divisée. Ses leaders, opposants historiques de Ben Ali, sont incapables de faire des concessions afin d’unir l’opposition. La fusion du Parti Démocratique Progressiste et d'Afek a échoué à attirer la Voie Sociale Démocrate. Le Parti Républicain, né malade après la scission de Mohamed Hamdi et son groupe, a fini par éclater suite aux divergences et à la "mainmise" des Chebbi sur le parti. En contrepartie, de nouvelles formations politiques ont émergé. Il s’agit de Nidaa Tounes présidé par Béji Caïd Essebsi et du Front Populaire résultat de l’union des forces de l’extrême gauche. Ces deux partis réalisent de bons scores dans les sondages qui mettent parfois Nidaa Tounes comme premier parti du pays. L’Union Pour la Tunisie formé par Nidaa Tounes, le Parti Républicain, la Voie Sociale Démocrate et d’autres partis a également connu des moments difficiles encore une fois principalement à cause du Parti Républicain volant toujours hors du troupeau. Crise de confiance La Tunisie connait une crise de confiance entre le pouvoir et l’opposition. La crise de confiance a commencé lorsque Ennahdha n’a pas honoré ses engagements d’une année de constituante. Ennahdha qui a promis de ne pas toucher au premier article de la Constitution a manœuvré pendant des mois pour le changer avant de céder face à la pression de la rue. La même Ennahdha n’a pas respecté les résultats du premier dialogue national concernant la nature du régime et les libertés dans la nouvelle Constitution. En plus, à chaque fois qu’un accord est conclu entre l’opposition et le pouvoir, le parti Ennahdha communique un démenti annonçant le retour à la case de départ. L'assassinat de Lotfi Nakdh, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi et les agressions et menaces quotidiennes visant l'opposition ont également attisé le feu entre l'opposition et le pouvoir. Ennahdha, le CPR et Ettakatol ont profité de leur mainmise sur l’exécutif pour placer leurs hommes dans l’administration, l’appareil sécuritaire et les ambassades. Ils utilisent également les moyens de l’Etat (voitures, bus et lieux publics) pour des fins partisanes. La Tunisie connait également une crise entre la classe politique et les citoyens. En effet, la majorité des Tunisiens en ont ras le bol de leurs politiciens peinant à trouver des consensus et à faire avancer le pays. Les sujets urgents pour les citoyens comme le développement, la cherté de la vie, le chômage, la santé et la pollution ont été marginalisés au profit de débats idéologiques sur la place de l’Islam dans la société, le voile, le niqab et le terrorisme rampant.



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