L’UGTT mobilise tout un pays en quelques heures et instaure "le scénario tunisien"

L’UGTT mobilise tout un pays en quelques heures et instaure "le scénario tunisien"
National
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Malgré quelques provocations hier et aujourd'hui, la centrale syndicale a largement réussi à organiser et mener à son terme une troisième grève générale en moins de deux ans. Ce fait est d'une importance politique capitale pour la nouvelle phase qui vient de s'ouvrir dans la transition politique en Tunisie. En se référant à la révolution tunisienne, les partis de la Troika ont toujours omis de souligner que le 14 janvier n'aurait jamais été possible sans la grève générale organisée par l'UGTT en ce jour précis. Ce coup de pouce à la révolution donne à l'UGTT une légitimité aussi incontournable qu'incontestable. Pourtant, la Troika a tout fait pour minimiser voire occulter le rôle décisif de la centrale syndicale aux premiers jours de la révolution. C'est là l'une des premières falsifications dont les islamistes et leurs acolytes se sont rendus coupables. Mais cela n'aura pas servi à grand chose car l'enracinement et la puissance de l'UGTT ne sont plus à démontrer et même la dictature n'a pas fait plier les syndicalistes. Ni dans les années 70, ni plus tard. Avec le succès de la grève générale du 26 juillet 2013, l'UGTT se place ainsi plus que jamais au centre de l'échiquier civique, politique et militant et dame le pion à la Troika qui a boudé ses initiatives et remis en question sa légitimité historique et démocratique et son rôle dans la révolution. Comme l'armée nationale, l'UGTT se tient aux côtés du peuple et agit pour un retour à une transition démocratique véritable. Elle démontre ainsi que la spécificité tunisienne ne réside ni dans l'esprit des activistes de Tammarod ni dans un certain infantilisme de gauche qui prône la désobéissance civile. En Tunisie, nul besoin d'un recours à l'armée (acteur central et historique de la vie politique égyptienne) car, adossée au syndicat historique, la société civile n'a aucune tentation putschiste tout comme d'ailleurs l'institution militaire. Le scénario tunisien s'avère ainsi syndical et juridique. En effet, au-delà de la grève générale, les résultats politiques sont la remise en cause - que personne ne conteste vraiment à part la Troika - de l'Assemblée constituante, incapable de tenir ses engagements, malgré un sursis de presque une année. Marzouki, Ghannouchi et consorts pourront toujours invoquer "un dernier quart d'heure" dont on les aurait frustrés, leur légitimité s'avère caduque. Que retenir de cette grève générale ? D'abord, elle a été bien organisée ; largement suivie et amplement couronnée de succès. Ensuite, elle a été décidée, selon toute évidence, en concertation avec l'UTICA, la centrale patronale. Ce fait en soi est historique et renseigne sur le sursaut patriotique qui a vu le jour depuis hier. En outre, plusieurs organisations de la société civile, en particulier l'ordre des avocats et la Ligue des droits de l'Homme ont soutenu le principe même de l'organisation de cette grève. Ceci dénote la consolidation d'un arc démocratique de vigilance citoyenne non politicienne et structure le camp qui considère la révolution du 14 janvier comme une révolution sociale et civique n'ayant rien à voir avec l'islam politique. Deux autres points méritent d'être soulignés. 1. Les syndicats nés après la révolution n'ont pas suivi l'UGTT, se sont démarqués de la grève générale et se trouvent du coup alignés sur la Troika. 2. Personne n'a relevé un fait politique fondamental au niveau international. La récente visite de François Hollande en Tunisie et le pardon demandé à la famille Hached ouvre une nouvelle page dans les relations entre l'UGTT et l'Etat français. Les relations sont ainsi apaisées et Hollande aura réussi là où Mitterrand n'avait même pas osé. Cette nouvelle donne entre l'UGTT et la France porte de réelles convergences et l'avenir le démontrera. Enfin, pour revenir à Hached, l'histoire nous dit qu'il rêvait de l'émergence d'un parti travailliste mais que la mort ne l'a pas laissé atteindre son espoir. En ce sens, l'UGTT pourrait devenir aujourd'hui un véritable modérateur sur la scène politique, en rapprochant les points de vue du Front populaire de ceux de la gauche social-démocrate. Il y a là un passionnant chantier qui est seul à même de briser les polarisations entre laïcs et islamistes pour restructurer le champ politique autour de la question centrale du travail, comme dans toute démocratie qui ne pose pas le primat de l'identité sur la question sociale. Incontestablement, l'UGTT a atteint aujourd'hui un nouveau palier et il est effarant de constater que les commentateurs et analystes aient fait l'impasse sur cette nouvelle donne politique qui conditionne tout ce qui se déroule depuis hier.



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