Le billet de Hatem Bourial - Tunisie, sans un sursaut de dignité, des années de plomb nous attendent

Le billet de Hatem Bourial - Tunisie, sans un sursaut de dignité, des années de plomb nous attendent
Chroniques
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Profondément éploré par ce nouveau crime de ceux qui ont trahi, falsifie et accapare la révolution tunisienne pour en faire un projet de dictature à l'ombre du croissant gammé, je ne peux que pleurer mon ami et camarade Chokri Belaid, tombé sous les balles de la nouvelle Main Rouge de sinistre mémoire. Défenseur des travailleurs et des classes populaires, son discours a été donc jugé coupable par ceux qui viennent de donner l'ordre de son exécution. Ses critiques radicales de l'imposture islamiste, son aura auprès des masses populaires et le programme du mouvement qu'il dirigeait en faveur de la justice sociale faisaient qu'il était haï par les intégristes de tous poils. Son franc-parler et ses propos sans concession envers les islamistes ont, en toute hypothèse, fait le reste. Admirateur de Hached, il est comme le père du mouvement syndical tunisien, tombé sous les balles de nos nouveaux oppresseurs qui viennent de souligner que la liquidation physique des opposants était désormais a l'ordre du jour. De jour en jour, le ton monte et seuls messieurs Marzouki et Ben Jaafar, accroches a leurs fauteuils semblent ne pas s'en rendre compte. Jusqu’à quel point serons-nous entraînes dans cette spirale criminelle, dont l'objectif, encore voile est de déstabiliser la Tunisie ? Nous avons vécu plus de cinquante dans un système de Parti-Etat et nous voici désormais tombés dans le piège d'un Etat-Parti avec un gouvernement qui regarde ailleurs et une lamentable classe politique qui s’étripe pour quelques maroquins de plus. Depuis plusieurs mois, les autorités et l'Etat-Parti d'Ennahdha laissent faire : agressions, attaques contre des meetings politiques, ligues se disant révolutionnaires qui prennent une attitude de milices, armes qui circulent en plein jour, mausolées incendies, prédicateurs radicaux en roue libre, mosquées occupées et beaucoup d'autres choses encore. On a fini par en venir au crime par balle après avoir tue une première victime à Tataouine après un lynchage en règle. Le Rubicon est désormais franchi et rien ne sera plus comme avant. Qui veut nous entraîner dans une dérive à l’algérienne vers des années de plomb ? Est-ce que pour consolider leur emprise sur la Tunisie, les islamistes de tous bords voudraient nous installer dans une atmosphère de guerre civile larvée? Que nous veulent ce Qatar belliqueux et ses agents tunisiens, héraults de la décadence ? Aujourd'hui, un Tunisien a été froidement assassiné, car il militait pour une autre Tunisie, car sa voix était différente et sa culture prolétarienne, car son combat cherchait justement à réinstaurer notre dignité perdue. Aucun Tunisien ne doit mourir assassiné pour ses idées. C'est ce que nous avons compris au lendemain du 14 janvier 2011. Et pourtant, Chokri Belaid vient de tomber et ceux à qui profite ce crime ont certainement de nombreux forfaits déjà planifiés. Entre petits calculs et grandes trahisons, que va dire notre gouvernement? Le ministre de l’Intérieur présentera-t-il sa démission pour avoir laissé s'instaurer ce climat de terreur? Comment parler de grands desseins dans une ambiance aussi vile ? Il ne faut pas que ce crime reste impuni. Quant à Chokri Belaid, il est mort en héros de la révolution véritable et son souvenir nous guidera demain et pour toujours. Ma grande peur, c'est que nous ne nous mobilisions pas pour sortir la Tunisie des griffes de l'islamisme intégriste et radical. Ma hantise, c'est que les islamistes au pouvoir n'aient pour projet de nous entraîner dans une guerre civile pour tourner la page du bourguibisme et s'installer durablement 0 la tête d'un pays en ruines, mais désormais entre les mains de l'Internationale wahabiste. Ma hantise enfin, c'est qu'un dangereux péril nous guette : si un jour, des élections sont organisées, les militants d'Ennahdha reconnaitront-ils leur défaite annoncée ou préféreront-ils la fuite en avant ? Verrons-nous un jour prochain notre pays pourtant pacifique à feu et à sang comme tout semble nous l'indiquer ? La date du 6 février 20013 restera celle du meurtre de Chokri Belaid. Et sans un sursaut de dignité de tous les Tunisiens, elle risque aussi de marquer le jour le plus long, celui au cours duquel la Tunisie a fait son entrée dans les années de plomb. Courage Tunisie, un homme est mort en héros. Soyons dignes de lui et de tous ceux qui nous ont légué ce pays. Car les usurpateurs d'aujourd'hui, dans leur délire messianique, en veulent aussi à Hached, Bourguiba, Ben Achour et leurs compagnons. Eux qui prétendent tuer les morts et effacer leur mémoire n’hésitent plus à tirer sur les vivants, coupables d’être différents, libres penseurs, laïques et modernes. Courage Tunisie, ne baisse plus jamais les bras devant l'oppression...



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