"A Djerba j'ai vu la terreur !"

"A Djerba j'ai vu la terreur !"
National
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Afef Ben Hamouda est une enseignante d'anglais. Sans engagement politique. Elle a voulu assister au meeting de Nidâa Tounes "par curiosité", affirme-t-elle. Elle nous livre ici un témoignage accablant sur les évènements de Djerba.
"Avec un groupe d'amies nous avions quitté Houmet Essouk pour l'hôtel Casino où devait se dérouler le meeting de Nidâa Tounes. Arrivées sur place une heure avant le début du meeting, l'endroit était déjà bondé de voitures. Et il n'y avait pas de place où se garer aux alentours de la salle du meeting. Avec l'ambiance qui y régnait j'avais le pressentiment qu'il allait se passer quelque chose. Près de l'entrée de la salle il y avait une foule dense composée de personnes franchement agressives venues par voitures et camions entiers. Ils manifestaient bruyamment leur hostilité à Béji Caïd Essebsi. Les manifestants ne laissaient pas passer les gens et essayaient de leur fermer l'accès au meeting. Celui qui entrait était systématiquement insulté avec des mots orduriers. Lorsque nous nous sommes approchées de la porte ils nous ont attaquées en nous empêchant d'avancer toujours avec un florilège d'invectives : "Ya tajammoo ! Ya masskhin !" (Sales Rcdistes !). Et d'autres immondices que je ne peux pas citer ici. Une de nos amies, une djerbienne juive, était traitée de tous les noms. Face à cette atmosphère menaçante nous avons décidé de nous retirer de peur d'être agressées physiquement. Sur le conseil d'un passant nous avons tenté un autre accès par la plage pour arriver à l’hôtel Casino. D'autres personnes ont choisi la même méthode. L'ambiance était très tendue et nous avions vraiment peur. Nous étions dans un tel état de terreur ! Après 15 minutes de marche nous avons réussi à arriver à l'hôtel par une autre voie. A notre surprise, les mêmes personnes étaient encore là ! Il y avait des taxis, des motos et des voitures particulières remplis de gens téléphone en main qui avaient l'air de coordonner entre eux pour empêcher les gens d'arriver à l'hôtel. Quand nous les avons approchés ils nous ont chassés avec des insultes toujours aussi grossières ! Et là nous avons décidé de rebrousser chemin car nous sentions que notre vie était vraiment en danger. Nos deux autres amies ont décidé de rester "coûte que coûte". Finalement, elles ont été bloquées à l'intérieur. En rentrant nous avons rencontré plusieurs autres personnes apeurées qui ont aussi choisi de partir. Pour éviter de croiser les manifestants, nous avons emprunté le sens inverse sur la route car ils nous attendaient en embuscade avec des bâtons et des pierres. L'ambiance était véritablement terrifiante ! Cela m'a rappelée le 14 janvier 2010. J'étais à l'aéroport et j'ai vécu à peu près la même chose. Nous sommes finalement rentrées au centre ville. Mon frère, qui s'était rendu de son côté au meeting, m'a appelée depuis la salle principale pour me dire qu'il avait réussi à entrer suite à une grosse bousculade. Nos deux amies étaient aussi à l'intérieur. Elles ont été prises au piège. Mon frère m'a raconté plus tard qu'ils ont été séquestrés à l'intérieur après avoir été piégés par les manifestants qui ont fermé tous les accès à la salle. Ces derniers ont ensuite pénétré dans la salle, cassé tout ce qu'il y avait dedans et frappé des gens. Ils ont essayé d'interrompre le meeting une première fois. Puis ils sont parvenus à l'arrêter définitivement. Ils sont entrés très facilement dans la salle. On dirait que la police était absente. Puis ils ont commencé à interrompre les intervenants à la tribune. Les gens étaient terrorisés ! Mon frère m'a dit qu'ils ne pouvaient plus sortir et que la salle était verrouillée de l'extérieur. J'entendais au téléphone des bruits de casse et des gros mots puis le discours de Ahmed Néjib Chebbi. Puis plus rien. Les incidents ont commencé autour de 16h15 et mon frère n'a pu quitter les lieux que vers 18H45. Il a été évacué dans un fourgon de la police avec des femmes et des enfants "comme du bétail". Les policiers demandaient aux gens, en les insultant, de "garder le silence". Et les menaçaient de les "jeter comme des chiens aux bandits" s'ils parlaient. Les gens ont ensuite été abandonnés près de la plage très loin de leurs voitures. Des femmes pleuraient et suppliaient les policiers de les ramener en lieu sûr. Ces derniers répondaient par des insultes et des menaces. Ce qui s'est passé à Djerba est une vraie catastrophe ! Un scandale ! Une honte ! Les agresseurs sont connus. Ce ne sont pas des djerbiens. Tout était organisé à l'avance. Ils avaient un plan. Ils étaient très bien informés de l'organisation du meeting. Ce ne sont pas des salafistes malgré les drapeaux noirs qui ont été vus. "C'est une façade". Ils ont été payés pour ça !" Témoignage recueilli par Sami Ben Mansour Crédit photo : Elhiwar Ettounsi



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