Vente d'Ennakl Automobiles : Y a-t-il connivence avec la Banque centrale et le Marché financier ?

Vente d'Ennakl Automobiles : Y a-t-il connivence avec la Banque centrale et le Marché financier ?
National
print



Selon l'intermédiaire en bourse, Tunisie valeurs, : "le consortium Poulina-Parenin (Groupe Amen) a été déclaré, le vendredi 16 novembre 2012, vainqueur de l'appel d'offres international en vue de la cession par l'État de 60% du capital d'Ennakl Automobiles. Ledit consortium aurait offert 12.850 DT par action, soit un total de 231.3 MDT pour le bloc de contrôle. Nous rappelons que le Groupe Poulina détient déjà plus de 5% du capital d'Ennakl acquis ces derniers mois sur le marché boursier". Un bloc de contrôle de 60% suite à une acquisition de plus de 5%, dites-vous ? Premièrement. Non seulement le consortium Poulina-Parenin a acquis un bloc de contrôle de toute une société à hauteur de 60%, une quote-part déjà suffisante pour acquérir la gestion intégrale de la société, mais qu'il faut l'ajouter aux "plus de 5% "déjà acquis par le groupe poulina via des entreprises et autres consorts tampons (cas de la SPI société partenariat investissement) voire directement en "rampant" sur le marché "ces derniers mois" pour aboutir à un total supérieur à 65% , très probablement à plus de 66, 66% et ainsi, emporter le noyau super dur, le gros lot d'une participation de concert qualifiante et... terrifiante! Ramper en douce Ramper dans le marché c'est, dans le vocabulaire financier, une opération qui se fait dans la discrétion par petits paquets sans alarmer les autres investisseurs afin qu'il n'y ait pas une hausse subite et brutale du cours de l'action visée. C'est un peu comme le prédateur qui s'approche de sa proie silencieusement, pour enfin lui sauter dessus et la dévorer, quasi entièrement. C'est me semble-t-il le scénario ! Et il laisse supposer qu'une entente ait été convenue au préalable avec les vendeurs pour que le cours arrive à une hauteur donnée en gardant une pression légère et subtile sur le marché afin qu'il ne s’emballe pas trop, et évolue progressivement vers là où les deux parties sont convenues pour que la cession du bloc intervienne. Pour mieux comprendre, jetons un coup d’œil sur quelques bulletins officiels de la bourse et remontons dans l'historique des séances de cotation. Récapitulation Le 7 juillet 2012, la SPI (Poulina) précitée, franchit de concert à la hausse le seuil de 5% dans le capital d'Ennakl à hauteur de 5,01% avec "l'intention de poursuivre l'acquisition de nouvelles actions", selon l'avis publié par la Bourse. L’action valait alors 11,580 DT en date du 2 juillet. À fin juillet, elle cotait déjà 13,850 dt soit une hausse de presque 20% en un mois, qui semble confirmer que le marché a d'ores et déjà reniflé une anguille sous roche. La cession aurait-elle déjà été ébruitée. Y avait-il déjà des fuites et autres initiés que le groupe poursuivant la rafle du marché. Tout porte à le croire. Cette pression a subitement disparu vers la fin septembre où le cours était revenu à 13,400 dt pour ne valoir plus que 12,800 dt le 2 novembre, dernière cotation avant la cession du bloc de l'État conclu au prix du marché à 12,850 l'action, soit une décote de -1 dinar par rapport au 31 juillet équivalent à une baisse de -7,2%. Que s'est-il passé entre le 7 juillet et le 2 novembre ?..."Ont-ils" acquis le nécessaire pour obtenir la majorité qualifiante des deux tiers du capital d'Ennakl ? Très probablement ! Pourquoi n'avoir pas utilisé la bonne procédure ? La question qui se pose est celle-ci. Comment l’État s'est permis de vendre par simple cession après une simple séance de cotation, une opération de privatisation contenant un bloc majoritaire ? Il y a pourtant assez de procédures dans le loi du 14 novembre 1994 pour utiliser la procédure de l'offre publique OPV à prix fixe ou celle à prix minimal ou par dilution sur le marché et autres techniques pour s'assurer d'une vente au plus du potentiel du marché et que les biens de l'État qui sont les biens du peuple tunisien ne soient pas bradés. Car une majorité déjà absolue à 60% du capital ne peut être cédée comme une simple action unitaire au prix d'une cotation au jour le jour. Comment est-ce possible ?!.. Y a t-il eu utilisation de privilèges ? Deuxièmement. Il ne faut pas oublier que le patron de PGH (Poulina Holding Group) n'est autre que Abdelwahab Ben Ayed qui est membre au Conseil d'Administration de la Banque Centrale. Ôter la BCT, c'est l'observatoire du forum des affaires. Le cœur de l'information financière, la mère de l'information privilégiée. Celle qui permet aux uns de s'enrichir sur le dos des autres. Et si vous y êtes, vous êtes mathématiquement un informé privilégié. Et comme tel, vous savez tout sur tout... Dès lors, qui peut jurer que le dossier Ennakl n'est pas passé par là. Sinon, pourquoi avoir franchi à la hausse le seuil des 5% début juillet et sans doute plus par la suite, avant que l'affaire de vente d'Ennakl ne soit rendue officielle, puis traitée 4 mois plus tard ? Maintenant que l'opération a été "réglée" vite fait, que les nouveaux détenteurs disposent de la majorité qualifiée des deux tiers, que les autres actionnaires, désormais minoritaires, se trouvent du coup piégé, dans cette opération qui passe du secteur public au secteur privé sans égards à l'épargne du public qui l’a rendue possible... doit-on laisser passer sans vérifier le processus utilisé dans cette privatisation ? Pourquoi ne pas ouvrir une enquête ? Devant le doute, dont je viens de relater les péripéties, mais dont je suis persuadé que ce n'est là que la partie visible de l'Iceberg, n'est-il pas suffisant pour entamer dès aujourd'hui une enquête en bonne et due forme. Jetez donc un coup d’œil sur le cours d’Ennakl depuis le vendredi . Il a chuté de plus de 7 % car dorénavant les actionnaires ne seront plus "vraiment" propriétaires d'Ennakl et à tout moment, ledit consortium pourrait leur imposer une offre publique de retrait de la cote et ainsi, aboutir à un squeeze out des actionnaires... et le cas échéant, c'est déjà vu pour Karthago Air Lines. Voilà comment tout un dispositif légal est lobé, contourné qui finit par perdre sa raison d'être. Ce qui est hallucinant, c'est que le CMF est également membre du conseil d'administration de la BCT. Le représentant du CMF n'a-t-il rien vu venir, lui qui est chargé de surveiller les opérations boursières. La loi de 94 a pourtant mis tout un dispositif pour protéger l'intégrité et la crédibilité du marché financier, contre plein de délits, d'initiés ou de manipulations de cours, de blanchiments et toutes les autres magouilles qu'on avait vues, mais tues, lors de l'ancien régime Dites-moi vous ! Oui, vous qui avez vu passer le dossier entre vos mains, comment vous avez pu laisser brader les biens, qui appartiennent au peuple, et de quel droit ? _________________________ Khemaies El Bejaoui, ancien universitaire en finance (Tunis et Alger), ex-chef de cotation boursière en Tunisie et expert auprès de la Banque mondiale.



André Parant juge nécessaire de préserver les acquis démocratiques en Tunisie

Précédent

Une tendance qui se renforce : 30.000 touristes américains en Tunisie

Suivant