"La lune de miel entre Ennahdha et les américains est finie"

"La lune de miel entre Ennahdha et les américains est finie"
National
print



Entretien avec Alaya Allani. Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de la Manouba et spécialiste des mouvements islamistes. Il est l'auteur du livre (en arabe) "Les mouvements islamistes dans le monde arabe. La Tunisie comme modèle" , Dar Ennajah, Rabat, 2007. Les Etats-Unis ont-ils changé d'attitude vis-à-vis d'Ennahdha et des islamistes au pouvoir dans les pays du "printemps arabe" depuis les attaques des ambassades américaines  ? Les attaques des ambassades et l'assassinat de diplomates ont changé la donne régionale pour les américains. Ceci est particulièrement vrai en Tunisie où Ennahdha a laissé faire pour ne pas se couper d'une grande partie de sa base, plutôt d'obédience salafiste. La confiance des américains a diminué dans les régimes islamistes pour instaurer la démocratie et participer à l'amélioration de l'image des Etats-Unis dans le monde arabe et musulman. Pragmatiques et faisant preuve d'une capacité d'adaptation rapide aux évènements dès lors que leurs intérêts sont en jeu, les américains sont en train de changer d'approche. La lune de miel entre Ennahdha et eux est finie. Et les islamistes ne sont plus leurs interlocuteurs privilégiés dans les pays du "printemps arabe". Quelle est la posture de Rached Ghannouchi à l'étranger et à l'intérieur du mouvement ? Le moins que l'on puisse dire est qu'elle est inconfortable. Ghannouchi est en perte de crédibilité à l'étranger. Surtout auprès des américains. En interne, il a toujours la main sur les rouages d'Ennahdha même si les modérés de son parti souhaitent le redimensionnement de son rôle. Mais de manière générale, les leaders d'Ennahdha resteront soudés derrière leur chef à cause de la proximité des élections mais aussi de par la nature du leadership dans les partis islamistes où on porte allégeance au chef indépendamment de la politique du parti. Ennahdha est-elle toujours capable de gagner les prochaines élections ? Ennahdha a perdu une partie de son électorat à cause de l'usure du pouvoir. Et ses leaders en sont conscients. C'est ce qui explique leurs attaques systématiques contre Nidaa Tounes dans les médias et le projet de loi en préparation à l'ANC pour exclure ce qu'ils considèrent comme des rcdéistes. L'électorat potentiel d'Ennahda peut être évalué actuellement à 20% du corps électoral du 23 octobre dernier. Et une partie de la classe moyenne qui subit de plein fouet l'absence de politique cohérente (envolée du coût de la vie, chômage galopant, manque ou absence de sécurité) commence à changer d'avis sur le parti islamiste. Egalement à cause de l'aventurisme d'Ennahdha (attaque de l'ambassade américaine) et de l'absence de visibilité sur l'avenir du pays à court et à moyen terme. Quelles sont les chances de Nidaa Tounes et du front républicain dans ces élections ? Les politiques défaillantes d'Ennahdha sont en train de renforcer Nidaa Tounes qui gagne en popularité. Notamment grâce aux attaques répétées et de plus en plus nerveuses d'Ennahdha contre le supposé caractère rcdéiste de Nidaa Tounes. Le tout dépendra de la solidité du front républicain et de la capacité des leaders démocrates à mettre de côté leurs égos mais également des conditions matérielles dans lesquelles se dérouleront les élections. Ennahdha jouera-t-elle la politique du pire en sabotant les élections ? Une frange - la plus radicale - du mouvement islamiste y songe. Mais ça serait un suicide politique pour Ennahdha. Car les modérés projettent de se transformer à terme en parti conservateur républicain qui accepte les règles du jeu démocratique, capable de participer au pouvoir, voire de gouverner le pays. Entretien mené par Sami Ben Mansour Crédit photo



André Parant juge nécessaire de préserver les acquis démocratiques en Tunisie

Précédent

Stress hydrique : le taux de remplissage des barrages est de 35,8%

Suivant