54 bougies pour la BCT

 54 bougies pour la BCT
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Ce 19 septembre c'est son anniversaire. Age de la raison, de la liberté surveillée ou de l'indépendance réelle ou contestée ? En passant devant son siège, on ne peut pas ne pas ressentir ce mélange d'égards et de solennité, pour cette importante institution née, voici plus d'un demi-siècle, avec la lourde responsabilité de gérer le marché monétaire, juste un an à peine, après la fondation de la République tunisienne. En 1958, soit un an avant l'avènement de la constitution de 1959, pour la première fois, notre pays allait frapper sa propre monnaie, le dinar tunisien. Pas d'indépendance sans autonomie financière Auparavant, nous faisions partie de cet espace plus vaste, celui de "l'Afrique du Nord" où la prépondérance de l'occupant confiait alors à la Banque d'Algérie le soin de gérer la question monétaire pour toute la zone. À cette époque, le Franc était Roi. À ce jour, les anciennes générations, ici comme ailleurs, continuent d'utiliser par une sorte de réflexe conditionné, dans leurs transactions quotidiennes, le mot "franc" en le prononçant avec l'accent dialectal, sur toutes ces lettres, en 'r'oulant le "r" et en appuyant jusque sur la lettre 'c'. Le millime et le dinar n'ont pas eu la vie facile pour inverser le conditionnement installé depuis quelques 75 ans. C'est vous dire jusqu'à quel point le système monétaire colonial était enraciné dans la mémoire collective tunisienne tandis que dans d'autres zones notamment en Afrique, Centrale et de l'Ouest, il demeure toujours en vigueur dans cette Françafrique sous l'appellation de Franc CFA alors même que la France a abandonné le sien , devenu "nouveau franc" entre-temps, contre l'Euro dans le cadre de l'UE. La loi de 58 et soudain, le dinar fut! On comprend dés lors pourquoi il était impératif, pour les jeunes dirigeants de l'époque, ceux là même qui devaient prendre en main la destinée du pays, de concrétiser l'autonomie financière et ainsi éviter de tomber dans un système ou l'ancien occupant garderait la mainmise sur le système monétaire du pays. Environ deux ans après l'indépendance et un an après la déclaration de la république, le 19 septembre 1958 la loi organique n° 58-90 a fondé la BCT suivie par la création du dinar tunisien en remplacement de l'ancien 'franc tunisien' ce, le 18 octobre de la même année par la loi n°58-109. On comprend dès lors l'importance de l'indépendance de la Banque Centrale. Hédi Nouira, une gouvernance de 12 ans Depuis cette date, et à ce jour, 11 gouverneurs se sont succédé à la tête de cette institution. Hédi Nouira a été le premier gouverneur de la BCT et qui détient le record de longévité avec quelque 12 ans de règne de 1958 à 1970. En reconnaissance, l'actuelle place où est érigé le siège de la BCT s'appellera la Place Hédi Nouira après sa disparition. Au total cinq gouverneurs s'y sont succédé sous l’ère Bourguiba. Depuis 1987, quatre autres ont occupé ce poste dont Mohamed El Béji Hamda, ancien directeur à la STB pendant 11 ans, quasiment autant que Hédi Nouira qui lui, n'était cependant pas banquier. Depuis l'avènement de la révolution du 14 janvier 2011 à ce jour deux autres gouverneurs se sont succédé. En l'occurrence Mustapha Kamel Nabli d'abord et depuis le 24 juillet 2012, Chedly Ayari. La BCT, que d'autres appellent l'institut démission, est l'autorité qui donne à la fois le rythme et la cadence de la politique monétaire en contrôlant la circulation monétaire, sa vitesse, sa densité et surtout le bon fonctionnement des systèmes de paiement. Aussi a-t-elle un ascendant sur le système bancaire, lequel délivre les crédits. En sécurisant l'intégrité du système dans lequel elle intervient, elle libère les financements lorsque c'est nécessaire et en éponge les excès de liquidités dans le cas contraire, tout en gardant toujours en perspective la stabilisation des prix. C'était d'autant plus ardu que la bourse avait momentanément disparu après l'indépendance pour ne réapparaitre comme presque superflue par la loi du 28 février 1969. En gros la BCT était omniprésente. Vers une plus de coopération Exécutif-BCT Pour autant la BCT n'était pas titulaire de la politique économique, quand bien même le gouverneur possède rang de ministre (l'a-t-il toujours ?). En fait, la politique économique est du ressort du gouvernement, même si des passerelles entre les deux autorités en atténuent le strict cloisonnement. Dans la réalité, la concentration des pouvoirs entre les mains des deux précédents présidents de la république, limitait considérablement les marges de manœuvre de la BCT. Évoquer l'indépendance de cette institution à cette époque était plutôt risqué. Pourtant, la banque centrale se devait de stabiliser les prix dans un système de déficit budgétaire acceptable favorisant une légère inflation qui impulse la motivation de l'investissement productif, sans jamais atteindre le niveau qui anéantirait ce délicat équilibre monétaire. Mais pas plus. La plupart des gouverneurs s'y sont appliqués avec plus ou moins de succès. Le grand mérite, c'est qu'à ce jour, la dette tunisienne a été toujours honorée, rubis sur l'ongle. Mais, pourra-t-elle assumer encore sans brancher? Pour faire face aux défis de demain! Aujourd'hui, nos réserves en devises se sont bien réduites et la physionomie économique en arrive à un déficit budgétaire qui pourrait se convertir en crise financière du fait que d'ores et déjà beaucoup d'argent a été injecté dans l'économie sans vraiment impacter l'investissement. Le marché renvoie déjà, les signes certains d'une inflation qui a bien gonflé alors que l'exécutif en demande encore pour financer parfois, des dépenses non productives de développement à l'image de cette fameuse question de l'indemnisation des victimes de l'ancien régime qui a fait tant de bruit. Or, l'excès inflationniste risque de dévaloriser davantage le dinar tunisien face aux autres devises, ce qui engendrerait des pressions accrues sur le montant de la dette extérieure ainsi que sur son service. Les analystes se demandent si les opérations de capital et des transferts en provenance de l'étranger (prêts, dons...) pourraient durablement en assurer le contrepoids. Pour le nouveau gouverneur, monsieur Chedly Ayari, la revalorisation du dinar passe par une révision à la hausse du taux directeur de la BCT et pourrait être la solution du problème. Surtout si en conséquence la mobilisation de l'épargne s'amorçait en retour vers le secteur bancaire, qui alors, n'aurait plus tellement besoin de peser sur le marché monétaire? Aussi, le nouveau gouverneur revendique-t-il plus de coopération avec le gouvernement tant pour fixer avec lui les termes de la politique économique choisie que pour déterminer la politique monétaire adéquate. Il a même assuré, à l'issue d'un entretien avec le premier ministre, que l'autonomie de la Banque est garantie et que cette autonomie doit s'accompagner d'une culture nouvelle, basée sur l'action commune avec le gouvernement, dans la définition de la politique monétaire pour faire face à l'inflation et fournir la liquidité financière nécessaire au profit des institutions bancaires, en vue d'assurer un secteur bancaire sécurisé. Les efforts se concentrent actuellement sur la mise en place d'un agenda de travail qui entrera en vigueur au début de l'année 2013 et dont l'objectif est de stabiliser le dinar tunisien et de former des réserves importantes en devises à même de couvrir les besoins du pays en termes d'importations sur le moyen et le long terme. Avec lui, on sait au moins où il va et ce qu'il veut faire!



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