Justice et vérité seront-elles rendues aux blessées du 9 avril ?

Justice et vérité seront-elles rendues aux blessées du 9 avril ?
National
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Les locaux d'El Massar (la Voie démocratique et sociale) à Tunis ont accueilli ce matin la conférence de presse des blessées de la manifestation du 9 avril dernier qui a connu de graves incidents attribués à la police accusée par certains manifestants de les avoir - délibérément - sauvagement agressés. La conférence de presse a été organisée à l'initiative de Raoudha Ben Aïssa, deux militantes d'El Massar et la célèbre blogueuse Fatma Riahi alias Arabbica. Plusieurs militants politiques, membres de la société civile et même des artistes sont venus apporter leur soutien aux victimes de la répression policière du 9 avril. Raoudha Ben Aïssa poursuivie par des policiers a chuté et accusé une déchirure des ligaments. Quant à Fatma Riahi, elle a subi une fracture le l'omoplate suite aux coups de matraque de la police de la Dakhilyya (nom tristement célèbre du ministère de l'intérieur tunisien associé au règne oppresseur et liberticide de Ben Ali) Me Mohamed Ali Gherib, l'avocat des blessées, a enchaîné en exprimant son désarroi face au déni de justice auquel font face les victimes puisque ni la justice civile ni celle militaire ne veulent inscrire la plainte de ses clientes, se contentant seulement de se renvoyer la balle mutuellement. Il demande "seulement que la loi soit appliquée" et appelle à ne pas politiser une "affaire judiciaire". Nadia Châabane, constituante et membre de la commission d'enquête parlementaire sur les événements du 9 avril, a pointé les vicissitudes de la commission, accaparée selon elle, par ses membres du bloc d'Ennahdha. Une commission partiale dont le président, Zied Laadhari (Ennahdha), est accusé par N. Châabane d'être "à la fois juge et partie" dans cette affaire qui met en cause directement le gouvernement de la Troïka où Ennahdha est majoritaire. Les membres de la commission du "Bloc démocrate" ont même menacé de quitter la commission où ils sont "dépourvus de prérogatives". N. Châabane fait état également des "lenteurs" de la commission qui a trouvé moult "prétextes" pour "reporter ses réunions" et ainsi "gagner du temps". Selon N. Châabane, le rôle de la société civile a été marginalisé dans cette enquête puisque la commission a refusé de recevoir le témoignage de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH) dont plusieurs dirigeants ont participé à la manifestation du 9 avril et étaient témoins des exactions des forces de l’ordre. Salah Zghidi, militant historique de la LTDH présent à la conférence a stigmatisé le laxisme de la commission d’enquête parlementaire, affirmant avec conviction qu’”il y a une volonté politique de ne pas faire une enquête parlementaire”. Radhia Nasraoui, venue apporter son soutien aux victimes, est intervenue en sa qualité de présidente de l'Association tunisienne de lutte contre la torture pour dénoncer "l'atteinte flagrante à la loi par la police en ce 9 avril". Elle a rappelé que plusieurs policiers ne portaient pas d'uniformes, contrairement aux usages, et qu’il s'est avéré, suite à l'enquête qu'elle a menée, qu'ils font partie de la milice d'Ennahdha". "Inacceptable !", clame-t-elle avant de réitérer le soutien de son association aux blessés, "prête à aller en justice" pour les défendre. Comment relancer cette enquête et lever le voile sur une vérité que certains cherchent à étouffer, ou du moins, à faire oublier ? Abdeljelil Bédoui, vice-président du Massar, est favorable à la création d’un “comité de veille pour ce genre d’affaires”. Essentiel à ses yeux non seulement pour les événements du 9 avril mais aussi pour ceux qui ont eu lieu quelques jours auparavant, le 7 avril, lorsque des sans emploi ont été tabassés par la police en marge d’une manifestation où ils défendaient leur droit au travail. Salah Zghidi va plus loin en réclamant solennellement une “commission d’enquête parallèle” qui regroupe “la société civile, la LTDH et des journalistes” pour faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé le 9 avril. La conférence s'est achevée dans une ambiance militante chaleureuse avec l'espoir pour les victimes de recouvrir leurs droits et que justice soit faite pour que plus jamais ne surviennent des événements comparables. Une sérieuse menace pour une démocratie tunisienne qui connaît une douloureuse gestation.



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