Dans une interview livrée le 17 juillet au journal Echourouk d’Algérie, Cheikh Abdelfattah Mourou a surpris tout le monde en émettant le souhait que l’Arabie Saoudite ne procède pas à l’extradition de Ben Ali. Il préfère, dans les circonstances actuelles, que Ben Ali et son épouse continuent à séjourner dans ce pays auquel il reproche, toutefois, le fait de permettre à cette dernière d’insulter la Tunisie et de dénigrer la révolution du peuple tunisien.
Cette déclaration est surprenante car l’extradition de Ben Ali est une des revendications du peuple afin de lui faire assumer la responsabilité des actes et faits commis au détriment de la Tunisie et des Tunisiens. Seuls les proches et amis ainsi que quelques uns parmi ses anciens collaborateurs ne l’espèrent pas soit par loyauté à leur bienfaiteur soit pour ne pas aggraver leur situation si Ben Ali passerait aux aveux . Le gouvernement, quant à lui, ne fait pas assez pour ramener Ben Ali au pays en vue de préserver les relations de la Tunisie avec le Royaume d’Arabie Saoudite, comme si la question n’était pas de principe .
L’argument de Cheikh Mourou à ce sujet réside dans le fait que l’extradition de Ben Ali serait de nature à provoquer des confusions qui ne feront que compliquer la situation dans le pays. Il n’a pas expliqué en quoi pourraient consister ces confusions mais il a simplement précisé que les motifs de son extradition sont ternes puisque les condamnations dont il fait l’objet se rapportent à des affaires de droit commun et non politiques.
Venant d’un avocat et d’un homme politique averti, cet argument ne manque pas à son tour de surprendre car les affaires dans lesquelles Ben Ali est impliqué sont multiples et qui ont causé de lourds dommages à la Tunisie. Elles concernent des infractions à la réglementation des changes, des abus de pouvoirs, des actes de corruption et de malversation et des crimes contre l’humanité en ordonnant de tirer sur les manifestants ainsi que l’a reconnu le ministre de la défense nationale de l’époque, Ridha Grira. En outre, ces affaires n’ont rien de politique puisqu’une affaire politique s’appuie sur des intentions et des idées. Et c’est tant mieux dans la mesure où la législation internationale interdit l’extradition basée sur des affaires politiques.
Quant à la confusion qu’aurait suscité le retour de Ben Ali en Tunisie, cette éventualité est inenvisageable car Ben Ali ne serait ni accueilli en héros ni exposé à un lynchage public pour craindre son extradition. Il sera de retour pour comparaître devant la justice de son pays et répondre des actes et faits qui lui sont reprochés.
Son procès sera certes un événement qui retiendra l’attention de l’opinion publique nationale et la presse internationale à l’instar du procès de Hosni Moubarak. Mais, il ne risque pas de provoquer des manifestations et des réactions de rue ni de la part de ceux qui étaient à ses ordres et profitaient de ses largesses, ni de la part de la société civile.
Ceux qui étaient à son service et sous sa protection, sans foi ni loi, l’ont discrédité et ignoré au lendemain de la révolution du 14 janvier à part une minorité qui se compte sur le bout des doigts et qui continue à lui être fidèles . Ils sont si peu nombreux qu’ils n’ont aucun poids sur la scène. Les autres, parmi les victimes de la répression et de la corruption et les composantes de la société civile, demandent que justice soit faîte sans tomber dans le piège des règlements de compte politiques .
Cheikh Mourou aurait dû garder ses sentiments pour lui dans cette affaire délicate d’autant plus que son souhait est déjà exaucé. L’Arabie Saoudite n’a pas l’intention de donner suite à la demande de la Justice tunisienne pour l’extradition de Ben Ali et n’ a pas besoin de se faire prier pour le couvrir, lui et les siens .
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