Filtrage du web : vers un retour en arrière ?

Filtrage du web : vers un retour en arrière ?
Tunis-Hebdo
print



Comment faire pour défendre la neutralité du Net et libérer complètement le marché du web quand la censure immorale, l’absence de cadre juridique et la pression politique vous guettent ? Le tout dans un désintérêt coupable des fournisseurs de services Internet (FSI), eux qui ont un début de solution à ce faux problème. Mai 2011, le tribunal de première instance somme l’Agence Tunisienne de l’Internet d’interdire l’accès aux sites pornographiques suite à une plainte déposée par trois avocats. Voulant couper court à toute forme de censure et se positionner comme étant un organisme neutre et garantir donc la neutralité de l’Internet, l’ATI décide de faire appel. Août 2011, la cour d’appel confirme la décision et le jugement du tribunal. Le filtrage ou la censure revient très cher et l’ATI ne dispose plus des moyens techniques et financiers mis à disposition par l’ancien régime pour appliquer cette décision dont le coût a été estimé par des experts à 16 millions de dinars par an. L’agence a dû se pourvoir en cassation. La décision de filtrer ou non sera rendue durant ce mois de février. Les répercussions seront graves si la plus haute juridiction du pays venait à statuer en faveur des trois plaignants. Un précédent juridique risqué Pour mettre le texte dans son contexte, juridiquement aucune loi ne régit le domaine de l’internet du côté utilisation et contenu, en Tunisie, ni même de savoir ce qu’il faut censurer exactement. Il est donc inquiétant de constater que les juges se sont basés sur une perception morale subjective et une méconnaissance du dossier et de la situation propre au web au lieu de se baser sur ce que dit la loi. Pire encore, la justice tunisienne dans un élan d’absurdité a transféré son pouvoir décisionnaire et exécutif à l’ATI pour lister les sites à caractère pornographique et les censurer. Une fuite en avant qui pourrait s’avérer désastreuse pour le web, l’économie numérique et la société tout court. Tout contenu web pourra être exposé à la censure, il suffit juste de trouver le «bon» prétexte au vu de ce vide juridique. Il n’existe point de filtrage efficace En effet, toutes les techniques et les solutions disponibles et applicables ne permettent pas un filtrage efficace du web. Des sites d’informations peuvent subir la conséquence de cette décision comme les sites de santé, ou même des réseaux sociaux. Imaginez un instant un filtrage qui toucherait Facebook ! De plus, la connexion internet sera moins fluide pour cause de filtrage, mais aussi d’utilisation de techniques de contournement comme les proxys qui alourdissent considérablement la connexion. L’éducation a un prix Il est clair que ce sont les enfants qui sont les plus concernés par ce filtrage dans un but de protection. Mais est-ce la bonne solution d’interdire au lieu de prévenir ? De censurer au lieu d’éduquer ? De jeter tout cet argent par la fenêtre au lieu de l’investir dans la construction d’écoles dans les régions défavorisées ? D’autre part, l’application du filtrage aura pour conséquence directe une hausse des prix des abonnements et un risque de voir les fournisseurs de service internet perdre des clients. Les FSI eux aussi sur le banc des accusés ? Les fournisseurs de services Internet sont aussi pointés du doigt. L’implication timide des uns et l’absence d’intérêt total des autres nous laissent perplexes, eux qui sont censés monter au créneau pour défendre la neutralité du web, la libre circulation de l’information, l’accès aux différentes plateformes vidéos qui leur servent de moyens de promotion, et surtout, promouvoir le moyen le plus efficace pour protéger nos enfants des sites pornographiques : les logiciels de contrôle parental. A ma connaissance, seul Hexabyte a mis en avant ce service dans ses dernières campagnes publicitaires. Tunisie Telecom a apporté son soutien lors d’une conférence de presse, mais sans suite, Orange se contente d’une note sur son site web alors que GlobalNet ne propose même pas ce service. Et dire que ces sociétés consacrent des milliers de dinars pour leurs budgets de communication. Une action de sensibilisation collective n’aurait pas été de refus, ont-ils peur d’investir ou d’être responsables vis-à-vis de leurs clients ? Voilà donc où nous en sommes réduits après un peu plus d’un an de l’après-révolution. Une décision favorable à la censure sera perçue comme une atteinte aux libertés individuelles et un retour en arrière. L’accès à Internet comme étant un droit fondamental dans la nouvelle Constitution risque de rester un simple rêve.



Commentaires

Nos banques : à radin, radin et demi !

Précédent

Franc-parler : Tunis-Munich !

Suivant