Tunisie : quelle politique fiscale, pour demain ?

Tunisie : quelle politique fiscale, pour demain ?
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Mettre en place un régime fiscal efficace constitue, un énorme défi d'autant plus que le pays transite d'une révolution vers une démocratie où le dispositif actuel à montré son incapacité de répartir équitablement les richesses et que les prévisions ne sont pas encourageant à en considérer les déclarations, en particulier celles en provenance de la BCT. Il faut se rendre à l'évidence, ce sera dur pour plusieurs raisons. D'abord, la plupart des travailleurs de ce pays sont, en règle générale, employés dans le secteur agricole ou dans de petites entreprises informelles ou dans les zones où l'administration, fiscale ou douanière, a du mal à pénétrer. Essayez d'imaginer un système fiscal applicable pour ne serait ce le commerce interfrontalier qui fleurit dans le sud et l'est du pays en relation avec la Libye et l'Algérie. C'est au vu et au su de toutes les autorités concernées y compris la Banque Centrale que ce type de trafic s'est développé et le continue... Il en est même des "intermédiaires de change" qui sont devenus maitres dans l'art de la cotation des devises tout en s'occupant de garder le cheptel de moutons qu'ils poussent vers la frontière pour le vendre au prix de plus en plus fort à mesure qu'ils s'approchent des points de passage d'un pays à l'autre... Comme ces gens reçoivent rarement un salaire fixe et régulier, leurs revenus fluctuent et sont souvent versés en espèces, ne figurant ainsi dans aucun registre comptable.Cela complique déjà le calcul de l’assiette de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, ces travailleurs dépensent rarement leur argent dans de grands magasins tenant des registres précis de leurs ventes et de leurs inventaires. En conséquence, les méthodes modernes de mobilisation de fonds comme l’impôt sur le revenu et les taxes à la consommation jouent un rôle réduit et la possibilité, pour les pouvoirs publics, de compter sur des ressources fiscales élevées y est pratiquement exclue. Les pouvoirs publics ont donc souvent recours à des expédients, optant pour des systèmes qui leur permettent d’exploiter les sources de revenus immédiatement disponibles au lieu de chercher à établir des régimes fiscaux rationnels, modernes et efficaces là ou c'est irrationnel.En conséquence, les fonctionnaires, les salariés d'entreprises visibles... subissent la charge fiscale de la retenue à la source qui autrement aurait pu être moins lourde si l'assiette avait pu être élargie à tous ceux qui perçoivent des revenus. Étant donné la structure informelle de l’économie que beaucoup l'estiment aux alentours des 40 % (!?) les services de la statistique et de l’impôt ont du mal à générer des statistiques fiables.Or ce manque de données empêche les décideurs d’évaluer convenablement l’incidence possible des changements majeurs au régime fiscal. Aussi préfère-t-on les changements accessoires et au cas par cas, aux changements structuraux fondamentaux. C’est ainsi que se perpétuent les décisions fiscales inefficaces. Dans cette configuration, la répartition des revenus a tendance à être incapable à assurer une équité. Même si, dans une telle situation, la pratique de taux d’imposition élevés devrait idéalement signifier que les plus riches contribuent plus que les pauvres à l’effort fiscal, les pouvoirs économiques et politiques dont ils jouissent (le potentiel de corruption si vous préférez) leur permettent (à ces riches) souvent de bloquer les réformes qui auraient pour effet d’accroître leur fardeau fiscal. C’est ce qui explique en partie l’incapacité de nombre de pays en développement, dont la Tunisie, à exploiter à leur plein potentiel des régimes d’impôt sur le revenu, et le manque de progressivité des régimes fiscaux (l’impôt des riches devrait être proportionnellement plus élevé). C'est pourquoi dans un pays comme le nôtre, la politique fiscale doit souvent faire des compromis qui l’empêchent de fonctionner dans des conditions optimales. Il faut se rendre à l'évidence, mais sans se résigner qu'une politique fiscale moderne ne semble pas possible dans un système économique dominé par l'informalité. ______________________________________________ Khemaies El Bejaoui, ancien universitaire en finance (Tunis et Alger), ex-chef de cotation boursière en Tunisie et expert auprès de la Banque mondiale.



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