Poignant : une mère de famille interpelle Rajhi

Poignant : une mère de famille interpelle Rajhi
National
print



"Je suis mariée depuis 27 ans et, cet été, mes deux enfants devraient finir leurs études supérieures. Ce sera pour moi le couronnement d’une vie de labeur. J’ai peur pour ces enfants. Surtout après le feu que vous venez d’allumer dans un pays à peine relevé, dans un pays qui panse encore ses blessures. J’ai peur que leur année scolaire soit compromise. J’ai peur que demain, on jette un doute sur la promotion 2011. Ces enfants (qui sont grands aujourd’hui) me coûtent encore près de 500 dinars chaque mois. Mon mari et moi travaillons tous deux et pouvons à peine faire ce sacrifice. Notre vie de fonctionnaires moyens, vous ne l’avez certainement jamais connue. Certains soirs, nous partageons une boite de sardines en rêvant au succès de nos enfants. Nous vivons aussi dans la hantise que tous ces sacrifices soient vains car nous ressentons que nos écoles sont devenues au mieux des fabriques de chômeurs diplômés, au pire des salles d’attente pour Lampedusa. Lors de mon mariage, des rideaux ont été accrochés aux fenêtres et des tapis posés sur le sol. 27 ans plus tard, élimés mais fidèles, ces rideaux et tapis sont encore là. Pas d’inquiétude, nous mangeons à notre faim mais, le saviez-vous, les temps sont durs pour les petites gens et les soutiens de famille. Pendant que nous nous épuisons à survivre, vous, un ancien ministre de la République, jouez à « Tartour » (le bouffon), accusez tout le monde et le reste, semez le trouble, la haine et la violence. Vous êtes-vous demandé ce que peuvent penser de vous les petits gens ? Et le jeunes ? Que peuvent-ils penser lorsqu’ils voient un magistrat se comporter de la sorte ? Et le monde qui nous observe ? Et nos ennemis qui se réjouissent ? Quelque chose a profondément changé en Tunisie : des responsables agissent en bouffons, des désœuvrés brûlent écoles et usines, des jeunes fuient cet enfer pour l’Europe. Et nous, petites gens, sommes captifs du peu que nous possédons et qui semble nous échapper. Pourquoi essayer de démoraliser le peuple tunisien ? Pourquoi mettre en doute l’honneur de ses responsables qui ont pour eux le courage de tenir le gouvernail en ces temps difficiles ? Pourquoi essayer de détruire ce que deux ou trois générations ont construit ? Est-ce pour des postes ministériels ? Mais, votre sagesse aurait dû vous enseigner qu’ils ne durent jamais (maydoum hal)… Est-ce pour prendre une revanche après un limogeage ? Mais, beaucoup de gens corrects ont aussi été écartés… Est-ce pour salir des hommes que toute la Tunisie respecte et que nous, petits gens, voyons comme un ultime recours lorsque l’incurie de certains politiciens aura fait le vide ? Est-ce plutôt un coup d’éclat sous l’influence de je ne sais quoi ? Vous savez, nous lisons les journaux. Et les nouvelles ne sont pas rassurantes. Vous avez en effet déclaré au journal « Les Annonces » du vendredi 6 mai : « Je ne regrette pas mes déclarations et je serai candidat à la présidence ». Ni plus ni moins. Avez-vous, ne serait-ce qu’un instant, considéré que le peuple voterait pour un ancien responsable qui se qualifie de bouffon ? Savez-vous ce qu’est le suffrage universel ou êtes-vous de ceux qui escomptent construire une démocratie sans le peuple ? Pensez-vous, ne serait-ce qu’un instant, que qui que ce soit de raisonnable voterait pour vous ? C'est une mère de famille indignée qui vous interpelle.  Une personne qui, dans vos probables calculs politiciens, ne compte certainement pas.  Mais ne l'oubliez pas: la démocratie à venir sera celle où le peuple sanctionnera les projets dans les urnes et dans le secret des isoloirs. Nous devons à notre jeunesse de pouvoir demain voter.  Nous ne vous devons rien et n'attendons rien de vous sinon que vous respectiez le peuple tunisien et son gouvernement légitime à vos yeux lorsque vous en aviez fait partie. Vos excuses, c'est au peuple des mères et pères de famille que vous devriez les faire dans un ultime sursaut de dignité.  Ensuite, monsieur, allez, je vous prie, rejoindre les oubliettes de l'histoire".
  • Cette adresse de Om Zied à Farhat Rajhi repose sur deux entretiens que j'ai eu avec une fonctionnaire dans un établissement public. J’ai tenté d’être fidèle à l’esprit et à la lettre de ses propos tout en y ajoutant mon grain de sel francophone.
  • Pour ma part, c’est avec consternation que j’ai découvert la déclaration du ci-devant ministre. J’ai le sentiment qu’un honorable magistrat se laisse tenter par une stratégie provocatrice qui, rappelons-le, avait toutefois « réussi » à un certain Taoufik Ben Brik.
  • Je ne suis qu’un simple citoyen, un simple médiateur. Toutefois, les propos de M. Rajhi et leurs conséquences (prévisibles et peut-être escomptées) m’ont, comme Om Zied, surpris, blessé et heurté dans ma dignité de Tunisien lambda.



André Parant juge nécessaire de préserver les acquis démocratiques en Tunisie

Précédent

Phosphate : Vers le lancement d’un projet tuniso-chinois

Suivant